On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche, même en expatriation. Si traverser la frontière pour déménager sa famille et son couple suffisait à éviter les disputes et difficultés du quotidien, on serait tous nomades ! Vivre à l’étranger ne fait pas de miracles, et peut même accentuer et accélérer l’érosion amoureuse. Certains partent à deux mais rentrent seuls, ou divorcent en rentrant. Fermer les yeux sur cette réalité n’est pas la solution quand on sent que notre mariage prend un peu l’eau. Bien entendu, l’expatriation seule n’est pas à incriminer. Les mariages n’ont pas tous la même durée de vie, c’est comme ça. D’ailleurs, le nombre de divorces chez les expatriés n’est pas plus important que chez les autres. Reste que parfois, c’est dur d’être ensemble dans un pays qui n’est pas le nôtre. Les guides de l’expatriation, les blogs et comptes Instagram chatoyants ne sont d’aucun recours quand on se sent seul, quand on a du mal à faire équipe avec notre partenaire d’aventure. Pour les expatriés qui traversent une période de crise dans leur couple, pour ceux qui veulent se prémunir d’un tel tourment, j’aborde dans cet article le thème des difficultés du couple en expatriation.
L’expatriation n’est pas une évasion
Les périodes de crise de couple sont normales. Vous pensiez échapper au problème des chaussures qui trainent dans l’entrée, et de la cuvette des toilettes à rabaisser ? C’est raté. Vous pourrez partir au bout du monde, les défauts de votre conjoint vous suivront toujours ! De la même manière, ces matins où vous vous séparez un peu nerveux, fatigués, et ces soirées où vous avez l’impression de vivre l’un à côté de l’autre auront toujours lieu. C’est mieux comme cela : on ne quitte pas son pays pour échapper à sa vie de couple, on la déplace sous des hospices exotiques, c’est tout.
L’éloignement peut même accentuer les crises, selon la phase de l’expatriation dans laquelle on se trouve. L’expérience est faite de hauts et de bas, et les émotions sont si exacerbées qu’il est possible que les relations au sein du couple en soient bousculées. Aussi, pendant la période du choc culturel, la communication doit être soutenue et la confiance solide pour ne pas se laisser emporter l’un l’autre dans une vague de regrets, remords et rancunes. Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus dit-on : les planètes ne s’alignent pas toujours, même à l’autre bout de la planète.
Les difficultés du couple en expatriation
Le manque d’argent
On n’est pas forcément plus riche en expat ! Pour certains, c’est même plus compliqué de boucler les fins de mois. Les retours multipliés dans le pays d’origine, les frais de scolarité, les cours de français supplémentaires, les loisirs pour se faire des amis… Tout ceci a un coût. Les difficultés économiques prennent une ampleur différente (voire angoissante) quand on n’est pas dans son propre pays. Le manque d’argent peut se faire sentir et venir tendre les liens comme il serre les ceintures.
En effet, l’insécurité financière crée un stress psychologique important qui peut peser sur la vie de couple. Les tensions peuvent aussi provenir d’un déséquilibre (souvent énorme) entre les revenus de l’un et de l’autre. Le manque d’autonomie du conjoint sans emploi peut conduire à un mal-être. On vit sous un même toit, et avec un seul compte en banque, mais l’un dépend de l’autre : cette situation peut fragiliser la confiance en soi - sinon en son partenaire.
La santé
Par ailleurs, la santé reste un sujet délicat, même en expatriation. Quand la maladie s’invite dans le voyage, le poids des bagages à porter devient soudain titanesque. La santé représente un défi de taille en expatriation : trouver les bons médecins, assurer un suivi de qualité, etc. On sait que les expatriés ont un suivi médical souvent en pointillés. Il existe des solutions, certains professionnels consultant à distance. Quelquefois, le retour s’avère nécessaire. Il reste que ce souci majeur peut fortement impacter le bien-être du couple.
Le stress
Pensons aussi à la santé mentale du couple expatrié qui doit gérer non seulement l’adaptation de sa famille à son nouvel environnement, mais aussi les reproches ou l’inquiétude de la famille restée dans le pays d’origine. La charge mentale s’accumule.
Le stress peut être basique, faisant suite au choc culturel, ou simplement lié aux multiples tracas du quotidien. Il peut être cumulatif : quand les journées font 48h, que les écarts culturels empêchent le bien-être au travail, il devient compliqué de tout assumer. On devient irritable, insensible, apathique… Bref, la désillusion nourrit la rancœur. Et si l’autre a le malheur d’aller bien, on a vite fait de s’isoler et couper la communication.
Même si cela ne suffira pas, il est très important dans tous ces cas de continuer de prendre soin de soi : consulter un médecin, envisager un suivi psychologique, une complémentation alimentaire en fonction du pays… Le choc culturel physique existe lui aussi. Vivre soudainement dans le froid, avec moins de lumière, sous une chaleur étouffante : les nouvelles conditions de vie ont un impact sur notre moral. Pourquoi attendre de voir le mal-être s’installer avant d’agir ? Prendre soin de sa santé mentale, c’est aussi prévenir les crises de couple.
L’isolement du couple expatrié
Alors bien sûr, on vous a promis une expatriation merveilleuse, avec une vie de couple réjouissante et des enfants heureux et épanouis, en pleine réussite scolaire, entourés d’amis fidèles, etc. Mais la réalité est bien souvent tout autre. Or, quand les enfants peinent, le couple s’épuise. On pourrait trouver mille et une raisons à ce quotidien éprouvant pour les parents : la barrière de la langue, le changement de système scolaire, l’enfance, l’adolescence… la vie tout simplement ! Peu importe finalement. Il reste un fait : quand les deux adultes ne sont pas ou plus alignés quant à la conduite à tenir face aux sempiternelles crises de nerfs des uns et des autres, il n’est pas rare de voir le couple se déchirer. La parentalité met à l’épreuve l’amour des parents.
Heureusement, la solidarité du réseau des expats-parents peut vous aider à rester zen. Il faut bien garder à l’esprit que vous n’avez rien à prouver à personne. Ce n’est pas parce qu’on s’expatrie qu’on doit devenir des parents parfaits (ou que nos enfants doivent l’être). Le risque est réel de vouloir tout réussir sous prétexte de ne pas vouloir “rater son expatriation”. On se démène tant en tant que parent qu’on en néglige son couple. Quand avez-vous passé un temps seul avec votre conjoint pour la dernière fois ? Vraiment ? Tant que ça ? Vite, un dîner aux chandelles, vite ! Il faut remédier à cela !
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Sans compter qu’on est bien seul quand on vit à l’étranger, surtout dans les premiers temps. Les solutions de garde sont trop peu nombreuses pour s’autoriser beaucoup de sorties. Les grands-parents sont absents, on ne compte que sur soi. Finis les cinémas, restaurants en amoureux et autres réjouissances des couples bien entourés ! Tout se vit en famille désormais, ce qui est merveilleux… mais problématique. Quand on n’est plus qu’un papa et une maman (ou deux papas, deux mamans ), on a vite fait d’abandonner la séduction, le romantisme, tous ces ingrédients qui ont fait naître le couple. En avoir conscience, en discuter, et chercher à deux des alternatives est essentiel pour ne pas laisser la distance s'immiscer entre nous.
Se faire accompagner pour dépasser les difficultés
Quand la crise de couple est trop forte, ou ne passe pas, on peut demander de l’aide, même en expatriation ! Bien sûr, elle aura souvent lieu en ligne, car il n’est pas évident, en fonction du pays dans lequel on vit de trouver des professionnels autour de nous. Par exemple, le service “couple” d’Expat-Pro est là pour cela ! Surtout, ne restez pas seul.e.s dans vos tracas et vos angoisses. L’isolement, la distance, parfois même la précarité des conditions d’expatriation rendent plus vulnérables les personnes, et dans les foyers fomentent des tsunamis conjugaux. L’expatriation peut tout à fait souder le couple, c’est souvent le cas d’ailleurs. Les défis nous rendent plus forts quand on les relève à deux. Autant les assumer.
Pour être soutenu, le couple pourra opter pour un accompagnement en duo : conseil conjugal, thérapie de couple, médiation, coaching à deux, psychothérapie. La solution pourra également provenir de démarches individuelles. Il n’y a bien sûr pas de remède magique, ce serait bien trop simple. Finalement, ces crises de couple réglées ensemble, et à votre manière, pourront vous rapprocher davantage. Les crises sont le signe que quelque chose, en profondeur, ne va pas. Elles sont bénéfiques car révélatrices. En réglant les problèmes de fond, qui surgissent peut-être plus rapidement à la surface en expatriation, on peut avancer mieux et renforcer les liens. Les épreuves sont aussi l’occasion de faire équipe. Souvenez-vous : pour le meilleur et pour le pire ! Le pire peut nous rendre meilleur.
Se séparer en expatriation
Parfois, les difficultés du couple deviennent insurmontables, et la séparation se révèle être la seule solution. Cependant, beaucoup de critères rendent l’option du divorce extrêmement compliquée à choisir : l’isolement, la dépendance financière, les lois des pays, etc. Et puis tout simplement : comment gérer la séparation pour la garde des enfants si l’un des parents veut rentrer et recommencer sa vie dans un autre pays ? L’expatriation ne simplifie pas les séparations.
Ce sujet est heureusement abordé sans tabou par Isabelle Tiné. Elle a créé un groupe de soutien sur Facebook où les “nanas expatriées” en détresse, déjà en instance de séparation, peuvent trouver de l’aide et des réponses à leurs questions pratiques sur la gestion de leur divorce.
Les hommes aussi sont concernés, en témoigne cet article très touchant d’un papa solo au Costa Rica. Les doutes et les prises de tête n’ont pas de sexe. Quand un couple se sépare, c’est un bouleversement pour les deux, et les hommes aussi ont besoin d’aide. L’objectif est bien de trouver une solution pour tous. Il est possible alors de consulter des avocats spécialistes des problématiques des expatriés pour régler les désaccords et organiser au mieux la gestion du divorce. Toutefois, la médiation en amont évite bien des dégâts psychologiques et financiers.
À lire sur ce sujet : Quand expatriation rime avec séparation
L’expatriation est une expérience bouleversante pour la famille, les individus qui la composent et le couple. Elle nous rapproche, nous crée une bulle dans laquelle on devient fusionnels. Toutefois, les difficultés du couple en expatriation sont nombreuses. Isolement, charge mentale, choc culturel, travail, absence de travail… On n’échappe pas, malgré les kilomètres, le dépaysement, l’exotisme, aux crises de couple. Même si elles sont normales, qu’elles font partie du chemin, elles ont une saveur amère quand on s’éloigne de ses racines et du pays où on s’est rencontrés. Ne pas les nier, les surmonter, à deux, voilà peut-être le secret de ces ménages expatriés si soudés. Prendre soin de son amour : une bonne idée pour rendre l’expatriation encore plus merveilleuse !
Article écrit pour Expats Parents par Emilie Proust
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