Des Français à l'école britannique

#expatriation , #ecole , #enfants

Photo : Emilie Proust

Première escale pour notre tour du monde des écoles : le Royaume-Uni !

On parle souvent du modèle « anglophone » : commençons donc par l’origine, le pays des uniformes, de la jelly et des beans à la cantine !

Voici l’expérience de six familles françaises. Tous les enfants (de la Nursery au lycée) ont été scolarisés précédemment en école française en France ; certains d’entre eux ont également connu le système international. 
Comment se passe leur scolarité ? Comment leurs parents vivent-ils leur rôle de parent d’élève étranger ? Quelles sont leurs bonnes et mauvaises surprises au quotidien ?


Comment les enfants ont-ils été accueillis dans leur école ?

La plupart des enfants ont bénéficié de cours d’anglais langue étrangère dès la rentrée. Les élèves ont été pris en charge sur une partie de la journée, en dehors de la classe, pour accélérer l’apprentissage : jusqu’à huit heures par semaine. Les écoles ont toutes des salles réservées au travail en petit groupe sur le temps de la classe, ou les couloirs sont aménagés : on sent rapidement que les écoles ont l’habitude de travailler en groupes de besoin. Ainsi les petits Français ont pu être accompagnés à leur arrivée pour que le choc ne soit pas trop rude. D’une manière générale, toutes les familles ont apprécié l’intégration de leurs enfants dans le système local.


Quelles ont été les plus grosses difficultés des enfants ?

L’anxiété due à la séparation avec son environnement et l’isolement dû aux difficultés de communication a été très dure à gérer pour plusieurs enfants : d’ailleurs, cela ne se manifeste pas forcément en début d’année ! Pour deux d’entre eux, l’angoisse a surgi en janvier, quand le premier trimestre avait semblé facile ! Encore une fois, l’école dispose de moyens pour aider l’enfant à surmonter ces difficultés : il peut s’agir d’un enseignant ou d’un Teaching Assistant qui aide l’enfant à décrypter et gérer ses émotions. Il faut dire que la plupart des écoles enseignent non seulement des savoirs académiques, mais aussi des compétences sociales et émotionnelles. La question du bien-être mental est prise au sérieux et les établissements sont formés sur le sujet. 

Les attentes, en particulier pour les plus grands, sont différentes, et la première année, il faut du temps pour comprendre comment fonctionnent les devoirs par exemple : on est peu habitué à la classe inversée quand on vient de France (les devoirs préparent la leçon, la classe est le lieu pour poser des questions). De plus, le système d’évaluation est bien différent : deux tests par trimestre par matière, et un examen final en juin. Pas de devoirs notés, et même... pas de notes ! Les familles n’ont jamais accès aux notes, qui servent d’outil de mesure aux enseignants. Qu’il s’agisse du primaire ou du secondaire, les familles n’ont reçu qu’une évaluation en compétences et les commentaires des enseignants. Finis les reproches sur les mauvaises notes: au Royaume-Uni, ne pas avoir la moyenne, cela n’existe pas !

Et puis... il n’y a pas que les résultats qui comptent ! Les efforts sont évalués, au même titre que les connaissances : sur le bulletin, le niveau atteint est mentionné, ainsi que celui qui était attendu, et la qualité des efforts pour obtenir ces résultats. On peut donc lire sur un bulletin : « niveau attendu : dépassé/ niveau possible pour l’élève : atteint / efforts mesurés ».

Des problèmes de rejet et de violence ont pu surgir, dès la primaire. Les enfants ne parlant pas anglais, ou pas suffisamment pour se défendre, ont pu être sérieusement embêtés. Le « bullying » est heureusement pris très au sérieux et traité avec beaucoup de réactivité : les parents concernés ont été immédiatement écoutés, et la direction a tout de suite pris des mesures aux effets immédiats. Les enfants concernés ont été pris en charge par les enseignants qui les ont aidés à s’intégrer. Un enfant a par exemple pu inviter des camarades à rester en classe aux récréations pour jouer aux lego et ainsi se faire des amis. Mais le moment du repas reste anxiogène quand les camarades se moquent de la salade composée du petit Français...


Qu’est-ce qui a le plus dépaysé les familles ?

Choisir l’école

Les écoles sont évaluées par un organisme non-gouvernemental, et les parents ont accès au rapport d’inspection de l’école dans son détail. Ils peuvent donc connaître le « niveau officiel » de l’établissement. Alors quand ils cherchent une école, ils prennent nécessairement en compte cette évaluation (d’ailleurs, les parents sont consultés lors de l’évaluation). Quand on arrive de France, ce système est difficile à appréhender, car on n’est pas habitués à choisir l’école, on n’a finalement pas de responsabilité sur ce choix : ce peut être assez angoissant d’avoir à choisir la « bonne » école pour ses enfants ! Mais bonne surprise : si on choisit l’école, on n’a pas besoin de choisir les fournitures, qui sont toutes fournies par l’école (à 100% en primaire).

Les Teaching Assistants

Voilà qui fait une grosse différence avec la France. Bien sûr, toutes les écoles primaires ne sont pas aussi bien loties : mais quand on a de la chance, son enfant est scolarisé dans une école où la maîtresse peut compter sur l’aide d’une voire deux assistantes. Leur rôle ? Accompagner la lecture, la compréhension, proposer des activités en petits groupes, soutenir les élèves en difficulté dans la classe...

Si on ajoute les changements continuels d’enseignants pour un même groupe classe (maths, sport, musique, etc. - chaque enseignant de primaire a sa spécialité), on peut dire que les enfants sont habitués très jeunes à travailler avec des adultes différents.

Pour les écoles secondaires, pas d’assistantes, mais le recours aux assistants en langue est plutôt monnaie courante. Par ailleurs, il existe une équipe de Learning support : les élèves aux profils particuliers (Dys...) ont des heures de soutien incluses dans leur emploi du temps.

Le système de récompense

Bienvenue au pays des gommettes et autres récompenses ! Le discours des enseignants anglais est très positif : on vise toujours non seulement la bienveillance, mais le perpétuel encouragement. Tout est motif à récompense, et d’ailleurs le stock des gommettes est impressionnant : « super star », « j’ai été un apprenant résiliant », « super écrivain », etc.

Les parents français consultés restent sceptiques sur cette méthode qui valorise l’élève, certes, mais le motive par la promesse d’une récompense. Ils ont par ailleurs pu observer que ce système pouvait devenir stressant : l’attitude est évaluée chaque jour et tout au long de la journée. Bien sûr les règles sont affichées en classe, et on sait ce qui est évalué : mais l’évaluation reste subjective. Difficile à comprendre pour un petit.

Au collège / lycée, ce système de gommettes peut continuer dans certains endroits, mais on retiendra surtout les encouragements quasi systématiques dans le discours des enseignants : on gonfle la confiance en soi par les mots, et les Anglais abusent de l’emphase : « tu es fantastique, tu es formidable, tu es incroyable » ! Les concours sont aussi fréquents : concours d’écriture, concours de sciences, etc.

Dès la Reception, les élèves apprennent à s’auto-évaluer : ils sont invités par exemple à noter sur leur feuille d’exercice ce qu’ils ont aimé faire lors du devoir. En primaire, les élèves peuvent choisir le niveau de leur exercice. Au collège, certains enseignants laissent la possibilité aux élèves de décider le nombre de bonnes réponses qu’ils s’engagent à avoir : ce fonctionnement est possible car les élèves sont formés à l’auto-évaluation dès le plus jeune âge. L’état d’esprit : challenge yourself* !


Comment accompagne-t-on la scolarité de son enfant dans un système étranger ?

Les parents consultés ont reconnu avoir été déstabilisés, surtout pour ceux qui venaient directement de France. Les parents ayant connu le système international ont été moins surpris. Il faut dire que si en Reception, l’expérience est très positive en matière de communication, dès le Year 1 (CP), il devient difficile d’avoir une vue claire sur ce qui se passe à l’école. Pas de cahier du jour, pas même de cahier de textes ... Heureusement que les enseignants se rendent facilement disponibles pour des rendez-vous ! Les parents français habitués à signer les contrôles, recevoir des bulletins de notes intermédiaires au collège... ont l’impression de « naviguer à vue » ... L’autonomie des élèves en est l’explication, mais en tant que parents, ils se sentent mis à l’écart.

Paradoxalement, les parents sont davantage invités à s’intéresser à la pédagogie, grâce à des sessions de formation organisées par les écoles primaires, mais aussi grâce à l’opportunité qui leur est donnée d’assister à un cours, une fois par trimestre en moyenne. Ces sessions ont été d’une grande aide pour comprendre un peu mieux l’organisation des apprentissages, mais ne compensent pas au quotidien le manque de communication.


Que pensent les enfants de leur expérience ?

Tous les enfants interrogés se disent très heureux dans leur école. Pourquoi ? Les réponses sont nombreuses et variées : ils apprécient d’avoir beaucoup moins de devoirs, de pouvoir participer aux tâches de l’école (recyclage, distribution des goûters, tutorat des maternelles), de voir les élèves qui se distinguent être récompensés lors des Assembly (grande réunion, au moins une fois par semaine, où le directeur fait un discours et où sont distribués les « awards » pour tous les élèves qui se sont distingués pour leurs efforts, leur attitude ou leurs résultats) ...

Les petits aiment beaucoup l’enseignement en extérieur, ces fameuses forest school (école dans la forêt) où les enfants apprennent tant les maths appliquées qu’à vivre en communauté et surtout à s’adapter aux conditions météorologiques (l’idée de fond, c’est qu’il vaut mieux s’adapter à ce qui est contingent plutôt que s’empêcher d’agir). Ils aiment aussi la place importante qu’occupent les activités créatives. Même au lycée, les arts et le sport sont plus importants qu’en France.

Les collégiens/lycéens sont aussi ravis d’avoir des disciplines moins académiques, comme Business, Design, et aiment pouvoir choisir leurs disciplines à présenter pour leur examen final. Ils trouvent les professeurs plus ancrés dans la réalité.

Les collégiens/lycéens consultés apprécient que tous les travaux soient faits en groupe, et que le choix des options permette de regrouper des élèves motivés. Ils aiment aussi le système des maisons, qui au-delà de les transporter dans l’univers de Harry Potter, favorisent le sentiment d’intégration et l’entraide.

Tous les enfants concernés sont fiers de porter le blason de leur école sur leur uniforme et de participer aux œuvres caritatives régulièrement organisées dans les écoles. La couleur verte utilisée par les enseignants pour corriger leur plaît, ainsi que le système d’évaluation qui rend les efforts visibles : par exemple dans une rédaction, tous les mots correctement orthographiées seront soulignés en vert, on oublie les fautes soulignées en rouge. Certains enfants regrettent cependant de ne plus étudier la littérature française : eh oui, c’est cela aussi être scolarisé dans un système étranger, ce n’est pas sa propre culture qui est au centre des apprentissages !



Une expérience enrichissante

Tous les parents consultés sont heureux de l’expérience de leurs enfants en école anglaise, et pas seulement parce que les enfants sont devenus bilingues. Ils trouvent leurs enfants épanouis (et parfois bien plus épanouis qu’en France). Ils apprécient :

-         La bienveillance : tous ont observés comme il est culturel de mettre l’accent sur les points positifs. L’absence de notes est plutôt bien vécue, et la flexibilité du système est vécue comme une absence de rigidité bienvenue. D’ailleurs certains parents reconnaissent être devenus eux-mêmes plus bienveillants avec leurs enfants, grâce au modèle de l’école !

-         La confiance en soi des enfants a été grandement améliorée : grâce à l’expérience de l’expatriation bien sûr, mais aussi grâce au système scolaire anglais qui gonfle la confiance en soi. Les Assembly et spectacles y sont d’ailleurs pour beaucoup.

-         La méthodologie : pour chaque discipline, et en maths tout particulièrement, les élèves découvrent plusieurs méthodes pour parvenir à un résultat. Il n’y a pas « une » solution mais « des techniques » pour résoudre un problème : cette approche permet aux élèves de choisir leur méthode, d’être plus autonomes et de progresser plus vite. Le choix est véritablement laissé à l’élève qui, autonome, a même à sa disposition dans la salle des outils pour l’aider.

-         La pédagogie de projet, le travail en équipe, les activités manuelles : les élèves bougent plus dans les classes, ils se servent davantage de leurs mains, et communiquent plus entre eux. Les élèves font beaucoup de recherches : les parents considèrent que leurs enfants ont gagné en autonomie dans ce cadre scolaire.

-         Le rythme scolaire anglais semble plus sain : les enfants ont du temps pour eux après l’école.

-         Les matières comptent toutes autant : pour obtenir une bourse, pas besoin d’être bon partout. Les élèves peuvent obtenir une bourse en art, musique, sport... Les parents apprécient que les points forts des élèves soient bien valorisés.

-         Le souci du bien-être de l’élève : dans de nombreuses écoles (celles formées), on évalue les élèves non pas seulement sur leurs compétences académiques mais aussi sur leurs compétences sociales et émotionnelles. Les élèves en difficulté sur ces points sont aidés par un enseignant spécialisé pour apprendre à l’enfant à devenir écolier. Cela se passe autour d’activités de jardinage, cuisine... On leur apprend à gérer leurs émotions pour mieux réussir à l’école.


Nous espérons que cette escale au Royaume-Uni vous aura plu ! Merci aux familles qui ont accepté de rendre compte de leur expérience !


* Dépasse-toi !

PS : Le système scolaire britannique fonctionne sur la base de l’autonomie des établissements et les écoles sont en partie autofinancées. Il peut donc y avoir de grandes différences d’une école à l’autre. Nous avons cherché à présenter ce qu’il y avait de commun entre toutes les expériences des familles consultées. 

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Ecrit pour Expats Parents par Emilie Proust, professeur de français.
Son blog :
 https://madeleineetcupoftea.com/
A lire, du même auteur : "Le blues de l'expat""Ceux qui sont restés""Super maman expat""Abécédaire des idées reçues sur l'expatriation""Tour du monde des écoles", " Expatriation à durée indéterminée"