Le choix identitaire se loge dans des détails

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L’identité culturelle de nos enfants, partagés entre deux cultures, n’est pas toujours évidente !

 

Le livre Third Culture Kids (TCK) de David Pollock et Ruth Van Reken, présente, à partir de nombreux témoignages, beaucoup de bénéfices et challenges découlant de cette situation.

Un chapitre en particulier parle de l’identité culturelle. C’est, pour moi, l’un des plus intéressants.
Dans certains cas, les enfants refusent le mélange de culture. Alors, ce sera soit la volonté de passer inaperçu soit celle de marquer sa différence qui prédominera.
Ainsi, selon les auteurs, certains enfants n’hésitent pas, à condition que leur physique leur permette de passer inaperçu, à ne pas faire allusion à leur culture d’héritage, afin de mieux se sentir acceptés dans leur environnement physique.
A l’inverse, le livre évoque des exemples dans lesquels la différence est volontairement affichée, au point de faire naître une attitude de rejet complète.

J’ai lu ces exemples à mon fils de 15 ans, et il ne s’est retrouvé ni dans l’un, ni dans l’autre - heureusement, ai-je envie de dire.
En revanche, sa réaction à la lecture du passage sur “l’enfant caméléon” a été très intéressante.
Cette fois, les auteurs nous exposent le cas de l’enfant qui s’adapte au groupe dans lequel il est, basculant d’une culture à l’autre. Le challenge de cette habitude : n’étant jamais ni complètement l’un, ni complètement l’autre, l’enfant se retrouve contraint à rester au moins partiellement dans une position d’observation, afin de vérifier que son attitude correspond aux codes du groupe. Dans la démarche, il risque de s’y perdre un peu, sachant si bien changer d’identité qu’il ne sait plus bien qui il est au fond.

Alors là, je vois mon fils qui réagit. C’est exactement ça ! me dit-il. Il ajoute même qu’il y a certaines choses qu’il n’avait même pas vraiment comprises jusqu’à ce que je le lise et que ça fasse écho !

Ah… cette recherche identitaire… je sais, et lui aussi, qu’elle sera toujours présente !


Et pourtant, confronté à une situation toute bête, il avait déjà fait un sacré cheminement interne l’été dernier ! Laissez-moi vous le raconter.

Oscar est né aux Etats-Unis. Il est donc américain.
Cependant, il est américain un peu par hasard, et nous sommes partis des US alors qu’il n’avait pas 2 mois…
Et puis, la vie a continué à nous faire voyager.
Nous avons vécu 3 ans et demi en Afrique du Sud, où il a appris l’anglais, entre 3 et 7 ans.
Puis, après un passage en France, il a intégré un système américain au Mexique, à l’âge de 9 ans.
Depuis ses 12 ans, nous vivons à Puerto Rico, une île qui, si elle est hispanophone, appartient aux Etats-Unis, et dont la culture est donc plus proche de celle des US, surtout dans leur école, anglophone.
Ainsi, à 15 ans, s’il se sent bien français, Oscar se sent également attaché à son pays de naissance.

En juin dernier, avant le retour en France pour l’été, une question d’importance s’est posée : la couleur de ses bagues d’appareil dentaire !
En effet, je ne sais comment cela se passe en France, mais ici, chaque mois, l’orthodontiste change les élastiques des bagues, et chaque mois, l’enfant a le choix de la couleur des dits-élastiques.
Au fur et à mesure de l’année, Oscar a fait plusieurs essais, plusieurs couleurs.

Seulement voilà, cette fois le choix est important : cette couleur sera celle qu’il gardera pour l’été. Or, cet été, Oscar ira en colo, en France.
La question est donc : qu’est-ce qui se fait en France ? Des élastiques de couleur vont-ils surprendre ? Choquer ?
Je ne peux que parler de mon enfance : la couleur n’existait pas pour les bagues. Je ne sais dire si cela a changé…

Oscar hésite, tergiverse…

D’un côté, il aime la couleur.
D’un autre côté, c’est un adolescent. A cet âge, on cherche à appartenir au groupe. Lorsqu’on arrive en colo, ne vaut-il pas mieux se fondre aux autres, au moins au premier contact ? Ne pas apparaître différent trop vite ?
Les autres ne vont-ils pas le trouver bizarre, le juger rapidement, comme cela se fait parfois ?
Sera-t-il à son aise ?

En même temps, doit-il faire “semblant” de ne pas être différent, alors que dans le fond, forcément, il l’est ! C’est un TCK, et il n’y a pas de raison de le cacher…
Nous sommes effectivement en plein dans le dilemme soulevé pour le livre.
Et cette simple question d’élastiques se transforme en crise existentielle !


Prenons-nous bien conscience de ces détails révélateurs d’une culture ?

Finalement, il prend sa décision : il se fera poser des élastiques bleus !
Et, cette décision prise, il se sent heureux. Il a l’impression d’avoir avancé.

De mon côté, j’en suis contente. En fait, j’interprète sa décision. Je trouve chouette qu’il se sente suffisamment sûr de lui pour décider de faire ce qui lui plait, sans tenir compte de l’opinion que les autres pourraient avoir de lui.

De son côté, il m’explique que la raison est plus profonde encore : après réflexion, il se sent plus américain que français, et c’est cet aspect-là qu’il préfère donc mettre en avant.

Suis-je surprise ? Je ne sais pas.
Voudrais-je que mon fils se sente plus français qu’américain ? Peut-être. Mais je suis surtout heureuse pour lui qu’il puisse être en paix avec ce qu’il est.

Nous offrons une vie différente à nos enfants, et il n’est pas toujours facile pour eux de se trouver eux-mêmes.
Etre entre deux cultures sera toujours une difficulté pour lui, mais également un atout. Qu’au moins lui sache s’y retrouver ! C’est ce que je lui souhaite.

Et, pour ceux qui s’interrogent, la colo s’est super bien passée, et il s’y est fait des tas d’amis ! Comme quoi, finalement, ce conflit n’était qu’interne…


Ecrit pour Expats Parents par Coralie Garnier, coach parentale et blogueuse
SIte : "Les 6 doigts de la main"
formation d'accompagnement des parents pour améliorer les échanges dans la famille

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