Journal d'une maman expatriée (3)

#expatriation , #bébé , #voyage
Leyla 9 mois

Les 3 à 6 mois, le premier voyage et la rencontre avec la mer

 

Je triche et démarre le récit de ce trimestre deux semaines avant les 3 mois révolus de Layla. Nous allons quitter la froide et brumeuse Angleterre le temps d’une visite de quelques semaines en Crète, où résident encore à l’époque mes deux parents. Les valises ont été faites et refaites plusieurs fois, il faut organiser également l’équipement, même s’il reste minimum, de la maison d’accueil, qui sera celle de ma mère.

Je trépigne d’impatience à l’idée de retrouver la Grand Bleue, chère à mon cœur, les sentiers fleuris et odorants des montagnes crétoises et surtout de partager tout cela avec mon petit lardon de déjà quelques 9 kilos.

La semaine qui précède notre départ, la communication avec ma mère est constante, grâce à tous ces outils connectés via le wifi qui permettent de relier les âmes séparées par des milliers de km. L’excitation monte et deux jours avant le grand départ, les valises sont bouclées, je suis dans les starting blocks. L’idée de voyager seule de longues heures avec un petit bébé ne m’angoisse pas le moins du monde, malgré les questions récurrentes de mon entourage britannique, soucieux de ce long périple qui nous attend. Le virus de l’expatriation et de la bougeotte est hautement transmissible et je veux faire de cette première expérience de voyage pour Layla une fête plus qu’une contrainte.

Mon environnement, surtout composé de personnes très sédentaires (on nait, on grandit et on meurt dans le Yorkshire, la rose blanche sur le cœur) a du mal à comprendre cette nécessité que je ressens de m’éloigner si tôt du nid familial alors que je commence enfin à prendre mes marques de jeune maman. Possible conséquence de mon intégration réussie (on en arrive à oublier que je ne suis pas britannique et que Layla a une famille outre-Manche), j’explique inlassablement les motivations qui me poussent à planifier ce long séjour.

Le jour du périple

Notre périple démarre un jour pluvieux d’avril, comme le Yorkshire sait en faire. Nous partons en milieu de matinée, conduit par mon partenaire, en direction de l’aéroport de Manchester. Je laisse les deux gazouiller ensemble à l’avant, s’échanger des regards amoureux père-fille et prends place à l’arrière où je me prépare mentalement au périple qui m’attend tel un match de boxe : visualisation et projection.

Nous arrivons au terminal, un dernier café en famille et nous passons les douanes où nous nous retrouvons en tête à tête, mon lardon et moi. Première épreuve, le portique de sécurité. Il faut que je me déshabille, défasse mes trois sacs pour en extirper les objets à déclarer et porte en même temps Layla, qui malgré son jeune âge, se tord dans tous les sens pour observer cet endroit étrange. Personne ne peut me soulager de quoi que ce soit, Manchester est un aéroport aux formalités douanières les plus strictes en Europe et le trafic constant de passagers donne à l’endroit un caractère impersonnel. J’ai hâte d’en finir, manque de chance, le paracétamol de Layla nous retiendra une demi-heure supplémentaire aux ‘’customs’’.

Une fois dans la salle d’embarquement, nous pouvons respirer. Une tétée de réconfort, quelques fruits secs qui permettront de tenir jusqu’à l’arrivée (pas question de payer le paquet de 5 chips à 5€ à bord de l’avion !) et nous voila prêtes à affronter le plus gros morceau du périple : le vol de 4h30 et la promiscuité de la cabine d’avion. L’heure de l’embarquement est arrivée. L’avion est plein. Comme souvent sur les compagnies lowcost, les sièges sont étroits et l’espace pour les jambes restreint. Je suis assise à côté d’un monsieur aux dimensions imposantes.

 Je repère une rangée de sièges complètement libres à l’arrière de l’avion et demande à une hôtesse de l’air si je peux m’y installer après le décollage. Elle accepte ma requête, visiblement sensible à ma situation pour le moins originale.

Le vol se passe sans encombre, les différences de pressions liées au décollage et atterrissage ne font pas souffrir Layla, que je mets instantanément au sein afin qu’elle ouvre ses voies aériennes grâce au principe de déglutition. Elle s’endort à plusieurs reprises, assommée par l’ambiance ‘’boite de conserve’’ de la cabine de l’avion et lors de ces brefs réveils, observe cet endroit étrange jamais encore visité tout en étirant ses petites jambes sur la rangée de sièges dont nous bénéficions gracieusement.

Nous arrivons finalement à Héraklion, petit aéroport de la capitale crétoise, où l’absence de formalités soulage notre fatigue de fin de périple. Une fois les valises récupérées, je me dirige vers la sortie où je retrouve ma maman, avec grande joie. Il nous reste un peu plus d’une heure de voiture à effectuer. Layla a été jusqu’à présent adorable, ne pleurant que très peu et absorbant chaque minute de cette toute nouvelle expérience.

Mais le trajet en voiture sera le trajet de trop. Elle n’est pas particulièrement heureuse à l’idée de se retrouver attachée dans un siège auto et préférerait dégourdir ses petits membres fourbus. Nous nous retrouvons contraintes de nous arrêter au milieu du trajet, sur une bande d’arrêt d’urgence de la nouvelle nationale crétoise en construction, au creux de la nuit noire, sans éclairage. Une petite chanson et une balade ‘’au frais’’ plus tard, elle semble calmée et nous finissons le dernier tronçon, pour finalement retrouver la petite maison paisible de ma maman au milieu des oliviers, tard dans la nuit.

La rencontre avec la mer, l’autre.

Nouvelle maison, nouveaux repères, nouvel environnement pour Layla, à peine trois mois : rien ne semble profondément la perturber. Même la chaleur belle et bien présente en cette fin de printemps, début d’été ne semble pas la déranger. 

La mer est encore un peu fraîche, si nous nous autorisons à y tremper les pieds uniquement, il faudra attendre quelques degrés de plus pour s’y jeter complètement. Il va donc falloir compenser les habituelles séances de piscine en Yorkshire. Layla ne rentre pas dans le plus grand des modèles de bains pour bébés crétois : une bonne excuse pour acheter une petite piscine gonflable, dans laquelle elle pourra prendre son bain quotidien sur la terrasse, à l’ombre du caroubier. Après avoir vécu l’atmosphère chaude et moite de la piscine couverte de Mer du Nord que nous fréquentons tous les vendredis depuis qu’elle a 6 semaines, elle s’essaye maintenant à la chaleur sèche des latitudes méditerranéennes.

Chaque jour, entre autres balades, nous parcourons les quelques centaines de mètres à pied pour rejoindre la plage en bas de chez ma maman. Layla, malgré une vision encore un peu réduite, reconnait le bruit des vagues, et pousse des cris d’excitation quand elle en aperçoit les premières formes. Bientôt nous entrons complètement dans l’eau, alors que le mois de mai a sonné l’arrivée de l’été, brutal, comme toujours, et le petit lutin de quelques mois qu’elle est se régale à jouer dans les vagues. Je peine à la sortir de l’eau chaque jour un peu plus et je vois son intérêt  grandir au fur à mesure des baignades.

Ce séjour en Crète, avec entre autres la rencontre avec son grand-père et la découverte de nouvelles couleurs et nouvelles ambiances est aussi l’occasion de tester le portage en randonnée. Une amie m’a prêté une écharpe de portage, simple mais efficace et nous nous essayons d’abord à quelques petites marches. Mon corps semble avoir retrouvé un peu de sa tonicité et mes articulations résistent plutôt bien au poids pas vraiment plume de Layla.

Quelques jours avant notre retour en Angleterre, alors que nous avons réactivé progressivement tous les muscles, nous nous lançons dans une grande randonnée entre filles, trois générations de marcheuses, dans les Gorges de Richtis, seules gorges en eau de l’Est de la Crète, alors que la chaleur de début juin est presque caniculaire. Trois heures de marche, d’escalade parfois au milieu d’une verdure presque ‘’junglesque’’ : lianes, figuiers les pieds dans l’eau, vasques et chutes d’eau en pagaille. Mon petit Mowgli n’en perd pas une miette depuis son écharpe rayée, les yeux grands-ouverts, elle scrute le moindre détail de cet environnement captivant, s’interrompant furtivement avec quelques tétées, en marche.

Retour en Yorkshire, le temps de la sociabilisation

Mi juin, coïncidence heureuse, nous prenons le vol retour le premier jour de ma trente-quatrième année : je passerai la première moitié de mon anniversaire en Crète et  la deuxième en Angleterre, présage heureux d’une future expatriation « à deux têtes » (que j’expliquerai dans un prochain billet).

En partant d’Angleterre avec Layla juste avant ses trois mois, nous avons loupé toutes les sessions jeunes mamans programmées à partir du début du second trimestre : massages pour bébés, groupes de discussions, groupes de jeux d’éveil, etc. Maintenant que je me suis ressourcée auprès des miens, je me sens plus en forme pour retrouver un brin de vie en société, en langue anglaise.

Nous démarrons par le baby-massage. 6 séances, 7 mamans, 7 bébés entre 1 mois et demi et presque 6 mois. Tous les gabarits, tous les comportements, et une ambiance bonne enfant où l’on se retrouve souvent à ‘’trainer’’ après le cours pour échanger un peu plus longuement sur nos vies de jeunes mamans. La consultante est proche de la retraite et lit constamment ses  fiches,  visiblement fatiguée. Nos regards complices se croisent : peu importe, nous sommes venues surtout pour la compagnie, et tel un aveu de faiblesse, beaucoup d’entre nous reconnaissent ne pas réellement pratiquer le massage en dehors des sessions.

Nous nous initions aussi aux jeux d’éveil en groupe, aux lectures de contes à la bibliothèque. Les liens tissés avec les mamans restent éphémères, mais il est toujours bon de voir d’autres parents évoluer avec leur bambin pour prendre un peu de recul sur ses propres méthodes éducatives.

Quelques jours après ses 5 mois, Layla, bien trop tonique pour apprécier la douceur d’un massage quelconque, décide de nous faire la surprise de sa nouvelle maitrise de compétence : la position assise. Ma mère, qui n’a laissé passer que quelques semaines après notre départ de Crète pour nous rejoindre au cœur de l’été anglais, découvre une petite-fille qui se tient maintenant droite comme un ‘’i’’, sans appui, prête à affronter le monde à hauteur de genoux.

Un pas supplémentaire vers une forme d’indépendance, conjugué à une poussée de croissance qui la rendra vorace et presque insomniaque pendant quelques semaines. Les dernières semaines du congé maternité seront intenses en événements et en nouveaux caps franchis !


Ecrit pour Expats Parents par Lisa Fras, traductrice free lance et blogueuse pour Courrier Expat
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Si vous avez raté le premier épisode, il est ici : "De la grossesse à la parentalité, entre expérimentations et découvertes"
et voici le second épisode : "Premier trimestre de vie : atterrissage et prises de contact"