Les défis du conjoint dit "suiveur"

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Le conjoint d’expat est une conjointe dans la grande majorité des cas ( environ 90% ) ; je dirai donc « elle"... Le plus souvent, elle ne travaille pas, soit parce qu’il n’est pas évident de trouver un travail sur place, soit parce qu’elle a choisi de profiter de ce séjour pour vivre autre chose : se consacrer davantage à l’éducation de ses enfants, à une passion, un loisir, etc… Ceci est d’ailleurs souvent rendu possible grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat qui accompagne fréquemment l’expatriation. Le séjour à l’étranger est en effet souvent l’occasion de changer de vie, ou du moins de style de vie.


Lorsque le conjoint a, avant de partir à l’étranger, une vie professionnelle qui l’intéresse et dans laquelle il s’investit, la perspective de la mettre entre parenthèse ou d’y renoncer pendant plusieurs années n’est pas toujours envisagée avec enthousiasme… Ce type de situation, de plus en plus courant, n’est pas sans poser problème lorsqu’une expatriation se profile. De plus en plus de couples font d’ailleurs le choix de vivre en « célibat géographique », situation qui devient pénible voire ingérable si elle s’éternise, et notamment si le couple a des enfants.


Bien sûr, il arrive que le conjoint réussisse à trouver une activité professionnelle à l’étranger, mais ce n’est pas le cas le plus fréquent. En effet, les aspects administratifs, linguistiques, logistiques culturels, etc, sont souvent autant d’obstacles à surmonter. Dans l’administration (enseignants, diplomates…), il n’est pas toujours simple de décrocher un « double poste » dans lequel chacun trouve son compte ; cela représente d’ailleurs une forte contrainte en terme d’affectation. En conséquence, la plupart du temps, l’un des deux a une affectation, et son conjoint «prend » ce qu’on lui propose et qui ne correspond pas toujours à ses aspirations.


Lorsque le conjoint ne peut pas travailler alors qu’il le souhaiterait, ou bien a un travail qui ne correspond pas à ses aspirations, la situation peut être fort mal vécue : sentiment de briser sa carrière, frustration intellectuelle et sociale, dépendance financière vis-à-vis du conjoint, sentiment de se « sacrifier » alors que son conjoint voit au contraire sa carrière s’envoler… Le statut de « femme de » est de moins en moins bien vécue par les femmes.


Heureusement, bon nombre de conjoints parviennent à saisir l’opportunité qui leur est offerte de faire de cette période d’inactivité professionnelle forcée une chance : chance d’avoir du temps pour se consacrer davantage à ses enfants, de faire du sport, d’apprendre la langue du pays, de faire du tourisme, de développer un réseau social souvent intense, ou de préparer une reconversion professionnelle, voire de développer un nouveau projet professionnel…


Les associations d’expats comme les Accueils de la FIAFE (Fédération Internationale de Accueils Français et francophones d'Expatriés) permettent ainsi aux conjoints d’expats d’être accueillis à leur arrivée dans leur nouvelle ville, de bénéficier des tuyaux et des bons plans de ceux qui sont arrivés avant eux et qui sont passés par les mêmes difficultés (logement, scolarité des enfants, approvisionnement, formalités administratives …). Ces associations, animées par des bénévoles, proposent généralement de nombreuses activités gratuites de tous types (culturelles, sportives, manuelles, ludiques,…), ainsi que des événements conviviaux qui rassemblent et fédèrent la communauté des expats. Il se développe à l’étranger des solidarités et des amitiés qui perdureront souvent au-delà du séjour de l’expatriation. D’autres associations, comme l’AFCA MAE (Association des conjoints des agents du ministère des affaires étrangères ) ou l’ANFEM (Association nationale des femmes de militaires) défendent les droits et les intérêts d’une population précise . Les conjoints sont souvent également actifs au sein des associations de parents d’élèves, des associations caritatives ou humanitaires…


Le conjoint d’expat saisit aussi parfois les opportunités professionnelles qui se présentent dans son nouveau pays, mais il s’agit souvent d’un statut de recruté local, peu intéressant financièrement. Pour peu qu’il lui faille faire garder ses enfants pour aller travailler, il ne lui restera plus grand-chose de son salaire en fin de mois… d‘où le choix, pour bon nombre, de plutôt se consacrer à une activité bénévole, qu’elle pourra au moins organiser à sa guise en terme d’horaires et de contraintes ; cela lui permet également de rentrer en France une bonne partie de l’été avec les enfants. Le bénévolat permet par ailleurs souvent d’acquérir ou de développer de véritables compétences (organisation d’événements, encadrement d’équipe, relations publiques, gestion de site web…) qui pourront être valorisées lors du retour en France (cf le passeport bénévole) . Ces expériences, souvent diverses, témoignent également des capacités d’adaptation, du dynamisme et des capacités relationnelles mises en œuvre par le conjoint pour s’adapter aux contextes divers dans lesquels il est amené à évoluer ; autant d’atout qui pourront être valorisés lors d’une recherche d’emploi lors du retour en France.


Le conjoint d’expat lors du retour en France

Lors du retour en France, vous êtes en première ligne pour gérer le déménagement, l’aménagement du nouveau domicile, les formalités administratives (CAF, eau, électricité, forfaits téléphones, internet…), les inscriptions des enfants dans les établissements scolaires, les visites médicales des uns et des autres (dentiste, orthodontiste, vaccins, ophtalmo…), les inscriptions dans les activités extra-scolaires, etc. Tout cela doit être fait dans un temps record, ce qui est d’autant plus difficile que vous ne connaissez pas la ville qui sera la vôtre désormais. Sans parler de la recherche d’un nouvel emploi, peu évidente après un « trou » de plusieurs années dans votre CV.


Votre conjoint est généralement tout accaparé par l’acclimatation à son nouveau poste en France, et se révèle peu disponible pour vous aider dans toutes ces démarches, ou pour écouter vos états d’âme («vous avez tout votre temps, après tout …). Il rentre le soir à la maison (tard), et n’a qu’une envie : souffler !

Il vous faut aussi souvent gérer les états d’âmes ou les difficultés d’adaptation de vos enfants ou ados, parfois déconcertés par les nouvelles exigences scolaires et le manque d’amis.

Bref, l’adaptation de la famille repose sur vos épaules, et c’est parfois lourd, surtout si vous n’avez personne avec qui partager le fardeau. D’où l’intérêt de vous refaire un réseau social, pour éviter de rester enfermé(e) chez vous et dans la gestion parfois déprimante du quotidien. Comment faire pour sortir de votre isolement ? Dans de nombreuses villes, il existe un accueil AVF (Accueil des Villes Françaises) : un bon moyen d’avoir des infos sur la ville et de rencontrer de nouveaux arrivants. A Paris, la FIAFE, qui vous aura peut-être accueillie à l’étranger, propose depuis septembre 2015 l’association France Retour Accueil, histoire de retrouver d’autres expats qui reviennent de poste. Constater qu’on passe par les mêmes questionnements ou difficultés que les autres permet souvent de relativiser ses problèmes voire de se déculpabiliser (« ça n’arrive pas qu’à moi »).


D’autres organismes comme Expat Communication proposent des journées ou des stages dédiés au retour ; ils sont parfois pris en charge par les entreprises. Sinon, n’hésitez pas à vous investir dans les associations de quartiers, de loisirs, etc… l’important étant de vous investir dans un ou des nouveaux projets au lieu de penser avec nostalgie à ceux que vous avez quittés.


On n’a pas toujours à proximité des amis à qui se confier, ou alors ils ne comprennent pas toujours vos états d’âmes, surtout s’ils n’ont pas vécu d’expatriation. Si vous en ressentez le besoin, n’hésitez-pas à vous faire accompagner ou aider durant cette période de changement et de transition, riche en émotions contradictoires : il existe de nombreux coachs et thérapeutes, dont beaucoup sont d’anciens expats, spécialisés dans les problématiques liées à l’expatriation et au retour d’expatriation (choc culturel inversé, crise identitaire, transition professionnelle, etc).


Et puis, bien sûr, vous savez que vous pouvez partager vos expériences, vos questionnements, vos doutes et vos espoirs et vos découvertes avec les 9000 membres du groupe Facebook « Expats Parents-Partage d’expérience entre parents francophones expatriés » que j’ai créé en janvier 2017, pour que chacun(e) ne reste pas seul(e) dans son coin, et parce que l’Union fait la force !


Ecrit par Catherine Martel, psychologue, et fondatrice d'Expats Parents.