Le retour en France des enfants expatriés

#enfant , #expatriation , #retour en france , #tck , #psychologie , #adolescent

Le retour, une période clé

Contrairement aux immigrés, l’ETC vit dans la perspective d’un retour ou d’un changement. Cela fait partie de cette Troisième Culture qu’il s’est appropriée. Rien n’est définitif et les alternatives sont restreintes : on repart dans un autre pays où l’on rentre « chez nous ». Inconsciemment, l’enfant expatrié sait qu’il rentrera tôt ou tard dans son pays d’origine. Par ailleurs, ce retour est souvent inévitable pour les ETC au moment des études supérieures et son bon déroulement est important pour le cheminement de l’enfance vers l’âge adulte.

 

Prenez garde au retour

Le retour est sans doute la phase la plus difficile de l’expatriation. Qu’il soit planifié de longue date ou bien impromptu, il génère stress et angoisse pour toute la famille. Certains retours sont pourtant attendus avec impatience mais là encore se profilent des attentes parfois irréelles. Par ailleurs, le retour est la phase la moins soutenue par l’organisation ou l’entreprise qui a expatrié une famille. L’aide au départ par une formation interculturelle, si elle n’est jamais parfaite a souvent le mérite d’exister. L’aide au retour en revanche est la plupart du temps inexistante. La famille qui rentre au bercail devra donc faire face seule à cette étape cruciale. Réussir le retour de la famille est un défi qui vaut la peine d’être relevé : les répercussions et conséquences sur les ETC étant souvent plus marquantes que l’on ne le pense.
Sans dramatiser cette étape, il est important de ne pas en sousestimer les difficultés et les enjeux.

 

Gérer le stress du retour

Comme pour le départ, le retour respecte les phases de la transition mais on peut dire sans prendre de risque qu’il s’agit de la transition la plus difficile vécue par les ETC.
Dans le cadre du retour, il s’agira exactement du même processus que pour l’expatriation. (…) Les phases de la transition seront respectées et le «choc culturel de retour » sera bien présent lui aussi. En être conscient permet d’anticiper les inquiétudes de chacun et surtout de prendre conscience, comme pour l’expatriation, qu’il s’agit d’une étape normale à franchir. Pour les parents, le retour est synonyme de changement, de logistique, de contraintes administratives… Bien souvent ils ne se rendent pas compte du stress bien plus important que cette perspective génère chez des enfants qui viennent de passer plusieurs années de leur vie hors de leur pays d’origine, cela est vrai notamment pour les enfants qui ont vécu la plus grande partie de leur enfance (voire leur adolescence) à l’étranger. Les parents, même expatriés au long cours, retournent dans un environnement connu, les ETC partent dans un environnement qu’ils sont supposés connaitre mais qu’ils ne connaissent en réalité qu’au travers du prisme des vacances. Ils vont dire non seulement adieu à leur vie présente mais également à leur façon de vivre depuis des années : rentrer signifie passer d’un mode de vie nomade à un mode de vie sédentaire. Tout leur système de pensée, toute leur gestion des relations, toutes leurs façons d’agir et d’interagir ne seront plus valables dans ce nouveau contexte. Bien sûr, la plupart des parents et des enfants n’en sont pas conscients. Pourtant, le savoir permet d’éviter beaucoup d’écueils.

 

Les fausses attentes

Comme nous l’avons vu, durant leur vie d’expatriation, la majorité des ETC ont été perçus comme des étrangers. Ils se sont habitués à ce statut dans leur façon de vivre en société. Lors de leur retour en France, ils ne ressembleront pas à leurs camarades sans que cela se décèle au premier abord. Les attentes seront alors faussées de part et d’autres. Leurs pairs attendront d’eux qu’ils réagissent « comme tout le monde » et se retrouveront face à des extraterrestres qui ne connaissent pas les basiques de la mode du moment. Eux-mêmes s’attendront à ce qu’on les considère comme étrangers alors qu’ils ne le sont plus. Ils n’auront plus de prétexte pour excuser leurs bizarreries culturelles ou leurs faux-pas sociaux. Pour l’ETC, se sentir différent dans un environnement homogène n’a rien à voir avec ce qu’il a connu. Il ne sait pas utiliser les bons mots, son humour n’a rien d’humoristique, il ne connait pas les dernières séries TV ou les derniers jeux à la mode. Et personne ne le lui pardonne. Sa différence le rend presque suspect.

Une autre fausse attente concerne l’accueil de la famille et des amis. En expatriation, personne n’attend l’expatrié quand il arrive dans un pays et il doit tisser sa toile progressivement mais une fois la toile tissée, les liens sont forts et solides. L’ETC a toujours vécu dans ce schéma de relations. Or, lors du retour en France, même si les proches accueillent chaleureusement la famille qui rentre, chacun retourne bien vite à ses occupations. Peu consciente des enjeux que représente un retour, la famille en France a été habituée pendant plusieurs années à vivre sans relations continues avec la famille expatriée et change lentement son mode de fonctionnement lors du retour de cette famille. Il est alors déconcertant pour l’ETC de ne pas pouvoir s’appuyer sur son environnement social et familial. Si l’on peut rappeler aux parents que c’est à ceux qui sont partis de faire un effort pour se réintégrer dans leur pays d’origine, il est difficile de l’imposer à des enfants qui ne se souviennent parfois même pas y avoir vécu.

Le système scolaire français a beaucoup de qualités mais, comme tout système, il a également des défauts. On ne peut pas dire notamment qu’il brille par la facilité de réintégration des élèves qui en sont sortis. Trois ans en école locale ou sept ans en école internationale n’ouvrent pas vraiment les portes d’une réintégration facile. Les systèmes internationaux ou locaux sont mal reconnus et l’ouverture d’esprit du personnel administratif comme celle du corps professoral à une expérience différente est trop souvent limitée, au lieu d’être encouragée. Par ailleurs, la langue d’origine, supposée être la langue natale donc parfaitement maîtrisée par les enfants, peut représenter une difficulté supplémentaire lorsqu’elle n’a pas le niveau requis.

Parmi les fausses attentes, il y a celle du prisme des vacances évoquée plus haut. Les enfants expatriés connaissent leur pays durantles vacances. Tout le monde est détendu, les activités sont agréables, la famille et les amis sont prévenants, on leur prépare debons petits plats français, etc… Pour les enfants qui rentrent, cette vision de leur pays est la seule qu’ils aient. La vie quotidienne, s’ilsne sont pas préparés, peut être une grande déception.

 

Les réactions fréquentes lors du retour

S’intégrer dans un groupe est la priorité pour tous les enfants. Pour les ETC l’adaptation à un nouvel environnement est une habitude de vie. On a vu qu’ils peuvent se transformer en caméléons et adapter leur attitude à leur nouvel entourage plus facilement que la majorité des enfants de leur âge. Lors du retour dans leur patrie d’origine, ils agiront de façon identique quitte pour cela à dissimuler leur expérience hors-norme. Combien de professeurs découvrent seulement au bout de six mois d’école qu’un élève a vécu dans cinq pays ? Contrairement aux adultes expatriés qui rentrent, les enfants taisent leur histoire. Le danger est alors, pour atteindre un parfait niveau d’intégration, de renier leur expérience et leur parcours. Ils occultent cette partie de leur vie alors que l’assumer permet de mieux asseoir son identité.

Pour d’autres ETC, la marginalisation est une forme de survie lors du retour. « Je ne suis pas comme eux, ils me le font sentir, je ne ferai pas d’effort pour changer. » Ce comportement est empreint de colère à la fois contre le nouvel environnement mais également envers sa propre histoire. Il ne permet pas davantage d’assumer son expérience et de développer une identité équilibrée. Certains ETC lors de leur retour, tendent à s’effacer. N’assumant pas leur différence dans ce nouveau contexte, ils se mettent en retrait et ne s’impliquent plus ni dans le travail scolaire, ni dans la vie sociale.

Alors qu’ils sont très tolérants envers toute nouvelle culture, les ETC ont tendance à devenir intolérants vis-à-vis de leur culture d’origine lorsqu’ils rentrent : ils jugent en permanence, trouvent leurs camarades ignorants, s’insurgent contre les nouvelles règles de vie…
La plupart du temps, l’adaptation au retour finit par se réaliser. Le rôle des parents et de la famille lors du retour est aussi nécessaire que lors du départ en l’expatriation.

 

Accompagner le processus de retour

Comme pour tout processus de changement, lors du processus de retour, il vaut mieux savoir à quoi s’attendre. Connaitre et comprendre les défis qu’impliquent le retour pour les ETC dans le pays d’origine est la première façon de les aider. Savoir quelles peuvent être leurs peurs, leurs attentes et leurs réactions, pour pouvoir en parler avec eux est une aide précieuse. Mieux les enfants se connaitront plus il leur sera facile d’avoir confiance en eux.

· Lors de la préparation du retour, il est recommandé de reprendre connaissance des phases de la transition dont nous avons parlé concernant le départ et de mettre en place les mêmes outils.
Finalement le retour est une nouvelle expatriation, retranchée de certaines difficultés et agrémentée de nouveaux défis.

· Le retour, comme le départ, est une décision qui échappe aux enfants et à laquelle ils n’adhèrent pas forcement. Rappeler régulièrement que la condition d’expatriés est temporaire permet aux enfants, au moment du retour, d’être habitués à l’idée et d’être préparés à ce changement.

· Les parents doivent accepter le fait que le pays d’origine est comme un nouveau pays pour leurs enfants qui n’y ont pas ou peu vécu.

· Lors de certaines expatriations, les enfants vivent dans un monde privilégié et s’habituent à un certain train de vie. Lors du retour, ils devront faire face à de nombreuses contingences matérielles dont ils n’avaient pas idée. Pour les ETC cette perte de leur mode de vie vient s’ajouter à leur perte de statut d’étranger et aux douloureuses séparations qu’ils viennent de vivre. En France, il leur faudra sans doute participer davantage aux tâches ménagères, prendre les transports en commun… Les préparer au retour signifie également les préparer à ce changement de style de vie notamment en leur rappelant régulièrement le caractère temporaire et singulier de l’expatriation. 

· Comme pour l’adaptation lors de l’expatriation, le rôle du mentor est essentiel dans l’adaptation au retour. Il guide, décode et encourage dans la réintégration.

· Comme les ETC se sentent plus particulièrement à l’aise avec d’autres ETC, une manière de les accompagner dans le cheminement du retour est de leur faire rencontrer d’autres Enfants de la Troisième Culture qui sont rentrés eux aussi.

· Si les expatriés savent qu’ils ont changé durant leur expatriation, ils ne sont pas toujours conscients du fait que ceux restés en France ont changé aussi. Gérer le retour de ses enfants, c’est également leur demander de porter de l’intérêt aux autres, ceux que l’on a quittés il y a quelques années. Leur poser des questions sur leur entourage, les encourager à s’intéresser aux autres favorisera leur adaptation.

· Le voyage « fin de cycle » est également un bon outil de gestion du retour. Retourner sur son dernier lieu de vie un an après le retour en France permet de « fermer la porte ». Les enfants se rendent alors compte non seulement du chemin effectué en un an dans leur intégration à leur nouvelle vie mais cela leur permet aussi de ne pas idéaliser le passé tout en le reliant au présent. Pour les enfants, ce voyage montre que leur vie d’avant peut en un vol d’avion être reliée à leur vie actuelle et lui donne une place concrète dans leur histoire. Ce voyage présente l’avantage, outre celui de revoir les amis, de leur faire percevoir que les choses ont changé aussi là-bas.

· Enfin, une attitude positive des parents tant dans la perspective du retour que dans la réadaptation de la famille est un atout inestimable. Parlez, communiquez ! Insistez sur le fait qu’ils sont différents mais que cette différence sera un atout pour eux, si difficile soit-elle à accepter parfois. Préparer et gérer le retour d’expatriation demande autant sinon plus d’implication que le départ de la part de tous les membres de la famille. Bien s’informer permet de mieux anticiper et de mieux gérer cette transition clé pour les enfants expatriés. Idéalement, assister à un atelier sur le thème du retour d’expatriation est une façon d’aborder avec sérénité cette étape. Le retour ne se prépare pas à la dernière minute et le retour n’est pas seulement logistique. Il s’agit d’un processus encore plus complexe que le départ qui mérite une attention vraiment particulière. »

Extrait du livre de Cécile Gylbert, « Les Enfants de la Troisième Culture »
Cécile Gylbert, auteur du livre : "Les enfants expatriés, enfants de la Troisième Culture".
Site pro : 
http://www.geo-interculturel.com/fr/
Co-fondatrice d'Expat Pro, le réseau des Experts pour les Expats.