Et si c'était l’expatriation en trop ?!

#expatriation , #psychologie

S’expatrier, partir, changer de pays, de boulot, d’environnement, de langue, de culture, tant de choses excitantes qui peuvent faire vibrer la première fois mais qu'en est-il au bout de la 3eme, 6eme ou parfois plus ?


Changer de pays tous les 3 ou 5 ans ce n’est pas aussi génial que ça en a l’air. Avoir les paillettes dans les yeux à l'idée d’un nouveau départ. Idéaliser le Pays d’accueil. Imaginer tout ce que l’on va pouvoir faire. Ça ne marche pas à chaque fois !

Contrairement à toutes les autres, cette expatriation-là on la voit venir. Sans artifices. Sans surprises. On sait ce qui nous attend mais surtout ce qui ne nous attend pas. La magie de la 1ere fois est souvent loin derrière !! 

Cette fois-ci on est lucide, averti, conscient de ce qu’il va falloir aller chercher pour que tout se passe bien. Les efforts à fournir pour s'intégrer. Les contraintes à respecter. Le manuel du parfait expatrié, on pourrait l'écrire. Mais si certains le vivent très bien, pour d’autres, cet éternel recommencement est loin d'être une partie de plaisir.


Et si c’était l’expatriation en trop ?


“Ah ! vous repartez encore ?” “Eh oui, encore”. Qu’il est lourd de sens cet “encore !”.

Pour les autres, le “encore” est synonyme de Voyages et Découvertes en mode Clubmed. 

Pour les multi-expatriés, c’est plutôt : faire les cartons, contacter les déménageurs, se renseigner sur les quartiers, les locations, les visas, le permis de conduire, les possibilités de job, les cours de langue, l’accueil, le tissu social. C’est la vente d’une maison, l'abandon de certains biens, les affaires qui n’arrivent jamais, la casse, et j’en passe. C’est aussi la crise des ados, la douleur des séparations, les promesses d’un monde meilleur. 


Mais c’est easy, "vous avez l’habitude", diraient certains. Sauf que non, les expatriations se succèdent mais ne se ressemblent pas.


En fait, connaître les contraintes ne les rend pas plus agréables. D’autant plus qu’il est plus facile de trouver sa place, socialiser, apprendre une nouvelle langue à un certain âge. Qu’on le veuille ou non, au bout de 2,3, 4 déménagements, on sature ; soit on n’ y arrive plus, soit l’envie n’y est plus, ou encore c'est la motivation qui fait gravement défaut.


Il y a un moment et des circonstances pour tout !


L'âge, le statut social, la condition professionnelle, entre autres. Partir seul, en couple ou encore avec de jeunes enfants s'avère souvent plus simple pour nouer des liens. Pour les expatriés, l'école est le lieu de socialisation par excellence. La vie étant souvent orchestrée autour des enfants, et rythmée par les vacances scolaires, les jours et les semaines filent plus vite. 

 

Mais qu’est ce qui diffère la 1ère de la Nième fois ? Pas grand chose dans le fond. Et pourtant !

Expatriation N1 : On rencontre les gens aux journées portes ouvertes de l'école. Les parents des amis de nos petits deviennent nos amis. On entame notre pack découverte en même temps. Ou on profite de leur expérience s’ils sont arrivés avant. Nos gamins évoluent ensemble, nous aussi. Ils font le même sport, nous aussi. On fait du covoiturage, on s'entraide, on participe tous à la kermesse, à la vente de livres, à la vie de l'école. On se partage les bons plans courses, shopping, restaurants, sorties week-end, cueillette de fraises / pommes, cours de langue, meilleur coin baignade, bénévolat… Tout va bien dans le meilleur des mondes. Rares sont les expatriés suiveurs qui se bousculent pour trouver du boulot de prime abord ; la priorité, c’est d’abord et avant tout les enfants !! La question pro se posera plus tard, sauf si on a déjà un métier, un projet qu’on a à cœur de réaliser, ou on est de ceux / celles qui ne peuvent pas se passer de travail. 


Expatriation N2
: On arrive avec des ados. Ca se bouscule un peu moins et à part les 3 réunions annuelles, il ne se passe pas grand chose côté collège . Une fois toutes les contraintes administratives faites, le vide commence à s'installer. On commence par chercher des occupations. Pour cela Google est notre allié. On tape association, accueil + ville, cours de langue, salle de sport. Et généralement quelques clics plus tard on finit par trouver quelque chose. Un café rencontre, une sortie musée, un déjeuner des nouveaux, et c’est parti. Nous voila avec au moins 2 numéros de tel de plus dans notre répertoire. C’est parti pour la storytelling ressassée pour la 56eme fois et celle des autres qu’on écoute au départ avec intérêt avant de s’en défaire aux rencontres suivantes. Sinon, pour le reste, tout pareil : on se partage les bons plans courses, shopping, restaurants, sorties week-end, cours de langue, bénévolat… 


Expatriation N 5
: Le petit dernier est au Lycée. Niveau socialisation caduc. On ne peut compter sur lui pour croiser qui que ce soit à part le proviseur et les profs dont on se serait passé volontiers. Mine de rien, les réunions d’orientation et nouveau Bac nous occupent pas mal, et alimentent quelques conversations ici et là. 

Sinon, re Google. On est dans le film “le jour le plus long”. Seul le décor change, le reste est exactement pareil : visas, permis de conduire, cours de langue, X accueil, recherche de boulot si possible, salle de sport … Nouvelles rencontres, nouvelles destinées, nouvelles aventures.


Expatriation N
: On débarque à 2 comme au tout début pour certains. Pour d'autres couples, l'un des deux a lâché l’affaire. On a du temps à ne plus savoir quoi en faire. Un cratère dans le CV et un âge à 2 chiffres et pas des moindres.

Et une envie d’investissement physique et émotionnel proches de zéro. Inutile de vous dire que la socialisation est loin d'être facile. Les expats sont plutôt des jeunes avec d’autres préoccupations. Alors les discussions sur les enfants, les nombreuses destinations parcourues et la vie qui a changé au pays depuis plus de vingt ans, ce sera pour une autre fois. 

Différentes rencontres, différentes ambiances. Avec nos pairs ce sera plutôt la prochaine destination retraite. Avec les plus jeunes, on fait de notre mieux pour ne pas porter de jugement et je pense que eux aussi. Notre dernier chapitre contre leur premier, y a rien à comparer. 




Les temps ont changé. L’’expatriation a changé. Et nous avons changé !


Au bout d’une vingtaine d'années de vadrouille, nos ressources intérieures sont à leur plus bas niveau. Le poids des sacrifices et des défis permanents imposés par chaque expatriation se fait ressentir. 

Quitter sa maison, ses amis, sa zone de confort, son réseau. S’adapter à une nouvelle culture, à de nouveaux environnements de travail et à des systèmes de valeurs différents. Découvrir de nouvelles perspectives et  modes de vie. Remettre en question nos propres croyances et préjugés. Développer une plus grande tolérance et compréhension envers les autres cultures. Cette constante réadaptation finit par avoir gain de cause et entraîne un épuisement physique et une saturation émotionnelle et mentale tels qu’on n’a plus place qu'à une seule et unique envie, celle de la stabilité.

L’envie de se poser prend alors le dessus sur le reste. 

Mais l'expatriation unique ou à répétition n’en reste pas moins une expérience extraordinaire qui offre de nombreuses opportunités d'apprentissage et de croissance personnelle et familiale à condition de savoir prendre le temps pour soi, de trouver un équilibre entre l'envie de cet autre chose et la recherche de stabilité. Reconnaître ses limites en termes de capacité d’adaptation permet de vivre une expérience d'expatriation épanouissante et satisfaisante.


En fin de compte, chaque expatrié doit trouver sa propre voie, et faire en sorte que les avantages et les opportunités offerts par l'expatriation l'emportent sur les inconvénients.


Ecrit pour Expats Parents par Mouna Blila : https://www.linkedin.com/in/mouna-blila-mamere-5b8639133/