Les langues étrangères chez les tout-petits

#bilinguisme , #langues , #enfant , #expatriation

Si vous êtes expatriés ou allez partir en expatriation, vous vous posez certainement la question du choix de l’école, mais aussi des langues pour vos enfants. Ce sont ces dernières qui vont nous intéresser ici. Nous ne nous intéresserons dans cet article qu’au bilinguisme des plus jeunes, à savoir les moins de 3 ans. Quand on part, on se dit, et on pense : « chouette, ils sont petits et absorberont les langues facilement ! ». Rien n’est moins sûr, c’est un travail de longue haleine qui demande du travail.

 

Comment faire alors pour que votre petit bout apprenne la langue du pays d’accueil quand vous êtes en expatriation ? Plusieurs solutions s’offrent à vous. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la langue de ce pays d’accueil ne sera pas toujours l’anglais. Trop de parents idéalisent la langue de Shakespeare et oublient que l’apprentissage des autres langues moins connues, moins utilisées et ayant un prestige moindre est tout aussi bon, parfois meilleur, pour le cerveau de nos bambins. Il ne faut pas les négliger, bien au contraire. Elles seront des gros atouts pour vos enfants plus tard.

 
Regardons de plus près différents cas de figures !

En tant que parents francophones, vous parlez tous les deux le français à la maison. Vous avez donc une langue à la maison et une langue dans le pays d’accueil. Une des solutions est de mettre votre enfant dans une crèche. Il sera alors entouré d’enfants parlant l’autre langue. Il sera baigné dans cette langue pendant les journées où il y sera. Ce sera d’abord un apprentissage un peu passif. Puis il acquerra des mots, des phrases. Comme vous ne parlez pas cette langue à la maison, il n’aura pas la chance de pratiquer avec vous. Petit à petit, quand son langage va se développer, il y a de forte chance qu’il introduise des mots, voire des verbes ou des structures de phrases dans son français. Pas de panique ! C’est normal. Son langage est en train de se mettre en place. Vous me direz que vous ne comprenez pas toujours ce que votre enfant dit, mais si vous lui demandez d’apprendre une langue, n’est-il pas normal et logique pour lui que ses parents soient capables également de la parler ? Avez-vous pensé à l’apprendre également ? Attention donc à ce que vous pourriez répondre à votre enfant.

 

Une autre solution est d’avoir un ou une baby-sitter qui parle une autre langue et de lui demander de parler cette langue avec votre enfant. Dans ce cas, et je vous réfère à un autre de mes articles[i], il faut que vous puissiez communiquer avec cette baby-sitter. Si vous ne connaissez pas la langue qu’elle parle, vous pourriez finir par vous demander ce qu’elle dit à votre enfant. Le choix de cette personne et des langues qu’il/elle utilise est donc très important.

 

Si vous êtes dans un couple mixte, la situation est quelque peu différente. Au moment où les enfants naissent, il faut faire des choix linguistiques et être d’accord. Cela se fait généralement en fonction de la langue de la maison et de la langue du pays dans lequel on se trouve. Souvent, il est conseillé de suivre le principe de Grammont : un parent, une langue. C’est ce qui pourrait sembler le plus facile surtout si chaque parent parle la langue de l’autre. On n’a pas le sentiment ainsi que son partenaire ou époux/épouse ne comprend pas ce que l’on dit. Et celui-ci ou celle-ci ne se sent pas exclus des conversations. L’enfant sera ainsi baigné dans les deux langues dès le plus jeune âge. C’est un principe qui peut être difficile à suivre pour le parent qui ne se trouve pas dans son pays d’origine et si l’un des parents ne parle pas ou peu la langue de l’autre, surtout quand les enfants grandissent.

Il est possible également de choisir d’avoir une langue à la maison et une langue en dehors de la maison. Ou encore de choisir une langue en fonction du lieu et de l’activité. Tout est possible, rien n’est figé et les choix dépendent des contextes familiaux, mais aussi des lieux de résidence et du nombre de langues dans la famille. Aucune langue n’est supérieure à une autre, elles renferment chacune une histoire. C’est par la langue que le parent pourra transmettre ce qu’il est et ce que sa famille et son pays représentent pour lui. C’est un héritage énorme.

 

Je ne suis pas une spécialiste de l’acquisition de la langue maternelle[ii]. Je dirais simplement que l’acquisition du vocabulaire est identique. Je m’explique. Si un enfant de moins de 3 ans acquiert une centaine de mots par an (je prends un chiffre au hasard) – ce nombre de mots sera divisé de manière inéquitable entre les deux langues. Ainsi il peut avoir 80 mots dans une langue et 20 dans un autre. L’équilibre se fera en grandissant et c’est plus âgé qu’il peut avoir un vocabulaire plus étendu que les enfants de son âge C’est ce qui s’appelle l’effet balancier. Le vocabulaire acquis sera aussi différent suivant les langues utilisées, les histoires lues… et cela est lié au contexte, mais aussi à l’histoire et au patrimoine familial. Contrairement à un certain nombre d’idées reçues, un enfant bilingue n’a ni plus, ni moins de vocabulaire qu’un enfant monolingue. C’est la répartition de ce vocabulaire qui est différente. C’est également le type de mots acquis qui sera différent. Tout cela aura son influence quand votre enfant commencera à aller à l’école et qu’il devra utiliser ses langues dans un contexte scolaire et donc structuré.

 

L’affectif, surtout quand ils sont petits, a une grande importance dans le développement du bilinguisme chez l’enfant. Tout comme l’apprentissage de la langue maternelle, si vous ne montrez pas d’intérêt et ne montrez pas de plaisir à la langue, l’enfant ne parlera pas. On apprend par l’exemple.

Attention !! Le bilinguisme précoce avant l’âge de 3 ans n’est pas garanti. On dit souvent que les enfants sont des éponges, rien de moins vrai. Pour reprendre cette image de l’éponge, je dirais simplement que l’enfant est un être vivant et que pour grandir il a besoin d’être nourri. C’est identique avec le cerveau de votre enfant, cette éponge[iii]. Si elle n’est pas alimentée, mouillée, elle s’assèche. Elle s’effrite. N’oubliez pas non plus qu’en France, on parle de langue vivante et de langue morte. Si vous n’alimentez pas votre enfant avec des jeux, des histoires, des activités en langues, ces dernières vont s’éteindre. Si vous ne montrez ni affectif, ni plaisir, votre enfant suivra votre modèle et ne deviendra pas bilingue. Si vous n’y travaillez pas non plus, votre enfant ne deviendra pas non plus bilingue. C’est en explorant et en jouant avec les langues que votre enfant aura plaisir à les apprendre. Et qu’il pourra faire en sorte qu’elles deviennent siennes.

 

Pour terminer sur une note positive, le bilinguisme est un atout incroyable et il serait dommage d’en priver vos enfants. Plus vous commencez tôt, plus il leur sera facile de communiquer dans d’autres langues et d’apprendre d’autres langues. Ne laissez pas passer cette chance unique !!!

 

Dr Isabelle Barth

Sociolinguiste – spécialiste en bilinguisme chez les enfants

https://www.studio-langues-mobilite.com

 


[i] Blog : Multilingual Café : http://cafemultilingue.blogspot.ie/2016/03/quelle-langue-pour-lau-pair-which.html

[ii] la langue maternelle n’est pas la langue de la mère, mais la langue de l’éducation, de l’instruction de l’enfant. Ainsi un enfant, dont la mère est française et qui aurait été scolarisée en pays anglophone aura l’anglais comme langue maternelle. On pourra considérer qu’il a deux langues maternelles – le français et l’anglais – si les parents ont éduqué leurs enfants en français à la maison et que cette langue a un bon niveau. C’est pour un autre article…

[iii] Blog Multilingual Café : http://cafemultilingue.blogspot.ie/2017/02/lacquisition-des-langues-language.html