Et si tu n’existais pas ?

#expatriation , #conjoint suiveur , #identité

Ainsi chantait Joe Dassin en 1975. Ainsi fredonnaient les amoureux dans un lointain souvenir.

Cette chanson m’est revenue comme une révélation quand une amie me révélait s’être rendue compte que sans sa moitié, en fait, elle n’existait pas.

Depuis, la petite voix dans ma tête n’a cessé de fredonner les paroles de notre chanson de jeunesse, chantonnées tant de fois.  “Et si tu n’existais pas ? Dis moi pourquoi j’existerais ….".

Mais loin du romantisme des années 70, et avec un peu plus de lucidité, une question plus sérieuse est venue me hanter. Une question existentielle dans notre pays d’accueil !


EXISTENCE PHYSIQUE, INTELLECTUELLE, ADMINITRATIVE.

Dans quelle mesure existe t-on en expatriation ?

Je ne parle pas de l’existence physique, celle qu’on ressent tous les jours quand on se lève au milieu de la nuit pour allaiter, ou celle où on est en pleine conscience dans sa voiture en train d’énumérer les choses qu’on ne devrait pas oublier, ou encore quand on fait la vaisselle, son yoga ...
Ce n’est nullement de cette existence dont je veux parler.
Car cette existence-là, celle de l’enveloppe corporelle, nous est rappelée à tout instant.

Il en est de même pour notre réalité intellectuelle. On la pratique, on la sent à tout moment .
Qu’il s’agisse de l’aide aux devoirs, de l’organisation des voyages, des rdv médicaux ou encore le remplissage des feuilles des impôts voire même des prouesses un peu plus élaborées telle que la supervision de travaux immobiliers à distance.

Pour toutes ces tâches, personne ne daignerait remettre en cause la présence de la femme / conjointe, ni sa pleine existence ; et encore moins son rôle central dans le maintien de l’équilibre familial et socio relationnel .


DANS LES MEILLEURS DES MONDES

Pendant la phase du “ long fleuve tranquille”, le conjoint suiveur est loin de se rendre compte de son inexistence administrative !

Il est évident que s’agissant d’une petite signature pour une sortie scolaire, l’un des parents faisant l’affaire, pas de souci, elle gère. Un rdv chez le médecin ? Elle est le patient 02 sur la carte d’assurance maladie, so what ? La location du logement est au nom de Mr ? Normal : c’est sa boite qui paie. C’est elle qui gère l’évènementiel familial ? Soit. Il faut croire qu’elle a plus de temps pour le faire et tout le monde est persuadé qu’elle adore ça ! L’école ne demande pas son avis pour renouveler la scolarité des enfants ? Qu’importe, du moment que c’est payé. 

A noter toutefois sa présence assidue à quasi toutes les réunions, kermesses, représentations sportives. Ainsi que sa présence à l’heure des sorties scolaires, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, preuves incontestables de son existence.

Eh oui ! Le conjoint suiveur existe bel et bien ! Et c'est une femme dans 90% des cas ! Elle est présente partout et nulle part ! Elle assume , n’est ce pas ça aussi être conjoint suiveur et porteur d’un titre aussi prestigieux que celui d’”expat”.


STATUT ADMINISTRATIF

Tout baigne ! Et pourvu que ça dure. Que rien ne vienne bouleverser cette harmonie et cette quiétude. Que l’eau continue à couler sous les ponts, et que la malédiction des voisins ne s’abatte pas sur sa famille !

En même temps, il n'y a pas de raison. Tout va bien dans sa vie. Et elle n’imagine pas un instant tomber de l’autre coté du cadre.

Elle n’imagine pas un instant pouvoir se réveiller un matin avec le syndrome du “ No man’s Land”. Inconnu au bataillon. Clandestin dans son propre univers. Expérimentant le cauchemar ultime à l’avant goût de science fiction. 

- L’assurance maladie annulée. Normal, elle ne l’a jamais payée ! Un scénario où rien ne va plus, où le plus simple geste du quotidien tourne au ridicule :
- Une carte de crédit qui ne marche plus. Et pourtant, ils s’entendaient plutôt bien tous les deux!
- Une secrétaire qui ne reconnait plus sa voix. C’est vrai qu’elle n’était pas son patron non plus !
- Une voiture reprise par le concessionnaire ; le leasing n’est pas à son nom ! Pareil pour la maison, le téléphone, la connexion internet, la TV... 

Ahhhhhhhhh..   Et le billet de retour du coup, c’est qui qui le paye ?

Il lui reste toutefois quelque chose de personnel, très personnel même : le  passeport. Lui, au moins, est bien à son nom, avec une adresse où elle n’est plus la bienvenue, certes, mais avec une date de naissance qui elle, est bien réelle, témoin du temps passé, présent et futur.


Une chose est sûre : ce n’est jamais ni tout blanc ni tout noir. Il y a pas mal de gris avec lequel il faut composer, et encore plein de couleurs à explorer !

Et de toute façon même si je n’existais pas , il y a des tas de façons de me réinventer !

Ecrit pour Expats Parents par Mouna Blila : https://www.linkedin.com/in/mouna-blila-mamere-5b8639133/