Femme au foyer en expatriation : choix ou état de fait ?

#expatriation , #conjoint

Quand on parle de conjoint suiveur, on peut tout imaginer : une personne qui prend plaisir à cocher les cases de toutes les activités offertes par sa ville d’adoption, une personne épanouie dans sa nouvelle activité professionnelle ou encore une personne dévouée à son foyer et à ses enfants et pour qui la carrière professionnelle est plutôt l’affaire des autres.

Si pour certains, cet état de fait relève d’un "choix" conscient et assumé, pour d’autres au-delà des aléas de la vie (grossesse inattendue, enfants en bas âge, diplôme non reconnu ….), le fait de travailler s’avère plus complexe que prévu.

Il est évident que dans la jungle de l’expatriation, si certains ont pu se faire une place, se réinventer, se découvrir, se former comme en témoignent les adeptes du "travail nomade" ou les ”expats heroes”, d’autres n’ont eu aucune chance de tenter quoi que ce soit. Freinés dans leur élan par des contraintes administratives pour le moins inattendues.

Le rêve américain qui tourne au cauchemar !

Lors de ma dernière expatriation aux US, j’ai eu l’occasion de co-animer un atelier Networking pour aider les nouveaux arrivants à trouver un job, concrétiser un projet longtemps enfui ou à se redécouvrir professionnellement.

Mais avant de nous lancer dans le travail de fond, une question s’imposait, celle du EAD (Employment Authorization Document) autrement dit le permis de travail sans quoi tout travail en amont serait vain !

Sans grande surprise , la réponse n’était pas la même pour tous. Elle était positive ou négative selon qu’on soit nouveau expatrié ou pas , qu’on soit bien pris en charge par l’entreprise du con joint (e) ou pas , que l’on ait pris la peine / le temps de se renseigner ou pas. Il y a autant de cas que d’expatriés !

Il y a les primo expats qui sont dans la phase découverte et ne se sentent pas de taille à affronter tous les changements d’un trait et encore moins les montagnes administratives. Ceux-là , consacrent plus de temps à la réflexion et préfèrent repousser leurs projets pros à plus tard .

Et il y a les plus avenants dont la demande était en cours depuis un moment et qui se sentaient plus près du but.

Et enfin, ceux qui venaient juste de lancer le processus et qui n’en étaient pas moins confiants.

Il faut rappeler qu’en 2016, on pouvait encore recevoir son fameux sésame en 3 semaines au plus tard. De ce fait, lors de nos ateliers, la seule préoccupation était de développer ses compétences et de commencer à cocher les cases : Pitch, Cv, Lettre de motivation,1ers contacts ….

Au final, ces éléments relevaient essentiellement de la volonté et de la motivation de tout un chacun. Et dans notre petit groupe de “job seekers” ce n’était pas ce qui manquait et le travail non plus.

 

Mais où est donc le problème ? J’y arrive !

Au-delà du long fleuve tranquille guettait un compte à rebours à faire fondre la glace la plus tenace !

Un compte à rebours qui ne tient compte ni des efforts fournis, ni des diplômes, ni du marché de l’emploi , ni du réseau networking qu’on peut avoir. De l’administratif pure jus !

En effet, suivez bien, c’est mathématique : le permis de travail a une durée de 2 ans. La demande de renouvellement se fait obligatoirement 3 mois avant la date d’expiration. Aucune demande n’étant traitée avant ou après cette date.

Il faut noter que la date de livraison du work permit correspond à la date où la demande a été faite et non à celle de sa réception et que sa date d’expiration est celle du visa de travail du con joint (e) expat – logique ! puisque votre visa existentiel dépend de celui du conjoint (e) !! 

Si on suppose que la demande a été faite dès son arrivée sur le territoire et qu’on obtient, soyons optimiste, son permis de travail 3 semaines plus tard et qu’on trouve un travail dans les 6 mois qui suivent (moyenne à laquelle le conjoint suiveur trouve un travail sur place), combien de temps effectif on effectue avant l’obtention du prochain permis ? je vous laisse faire les calculs.

Cette gymnastique est le quotidien de nombreux conjoints suiveurs qui vivent au rythme des renouvellements de visas (tous les 2 ans pour la plupart) et celui des permis de travail (tous les 9 mois). Et à l’angoisse d’une fin éminente de l’expatriation (5 ans autorisées) qui signe le glas d’années d’efforts. Reste bien sùr l’option renouvellement du contrat expat - du conjoint s’entend - en contrat local. Ce qui ne règle pas plus le problème du suiveur.

Et comme ce n’est pas assez compliqué comme ça !

S’ajoutent les complications de ces dernières années liées aux changements de la politique des visas aux US et à la réduction des effectifs des employés de ce secteur, aggravées par l’avènement du Covid ponctué de phases confinement déconfinement et leurs conséquences.

Résultat des courses, des dossiers accumulés. Ce qui était délivré en 2 semaines prend aujourd’hui plusieurs semaines voire un an.

Il en est de même pour tous les autres documents administratifs. Toutefois s’il est autorisé de conduire avec un récépissé ou voyager avec un visa provisoire, il est strictement interdit de travailler avec un visa de travail expiré au risque d’expulsion et d’interdiction de territoire à vie.

Restent quelques options telles que demander la carte verte. Mais c’est un long processus qui demande réflexion au vu des engagements fiscaux ou autres qui s’en suivent, et le temps d’obtention de plus en plus long ( 27 mois aux dernières nouvelles !).

Ou encore demander à se faire sponsoriser par son employeur. Mais là aussi c’est le parcours du combattant que peu d’employeurs engagent car très couteux. En plus de devoir prouver que la compétence sponsorisée détient une expertise indisponible aux US.

Des contraintes dignes à décourager les plus tenaces. S’en suit une perte de motivation, un sentiment d’abandon, de solitude face à son propre sort favorisant ainsi le sentiment de de dépendance et de sacrifice dont le conjoint suiveur ce serait bien passé.

 

Qu’en est-il ailleurs ?

Ceci dit, si les Etats Unis offrent malgré tout une autorisation de travail aussi contraignante qu’elle soit, d’autres pays ne donnent pas cette chance. C’est le cas de Singapour, du Chili ou du Japon qui délivrent un visa “dépendant” au conjoint suiveur (homme ou femme), ce qui lui interdit toute activité rémunérée. Quant au Qatar, pour ne parler que ce pays du Moyen Orient, le permis de travail est soumis à une autorisation du conjoint ! 

On pourrait continuer longtemps avec d’autres exemples de pays où les expats suiveurs n’existent qu’en théorie.

Que ce soit une première expatriation ou la nième, prendre la peine de se renseigner sur les écoles, le logement, les supermarchés ne devraient pas être votre seule préoccupation.

Si vous tenez à garder une activité professionnelle dans le pays d’accueil, il serait judicieux de vous informer sur les possibilités du travail, les équivalences éventuelles si vous exercez un métier spécifique …

Renseignez-vous auprès de l’entreprise où travaille votre conjoint (e). Certaines prennent en charge les frais de formation, de coaching ou encore proposent une compensation de la perte de revenu.

Les sources d’information sur le net ne manquent pas non plus, que ce soit le site des ambassades ou consulats, celui des accueils des Français à l’étranger ou les multiples ressources en ligne comme Expats Parents.

Reste enfin le réseau associatif sur place, où vous pouvez faire du bénévolat, apprendre la langue locale, participer à la vie sociale à défaut d’une activité professionnelle à proprement parler.

Bref, une expatriation, ça se prépare !



Ecrit pour Expats Parents par Mouna Blilahttps://www.linkedin.com/in/mouna-blila-mamere-5b8639133/