Quand la pandémie pousse les expatriés à rentrer

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Pour certaines familles expatriées, la crise sanitaire du Covid-19 a été un véritable coup de tonnerre, marquant un tournant dans leur vie. Et les obligeant à quitter leur pays d’accueil, pris entre raison et déchirement.

 

Hélène, Géraldine et Marilyne font partie de ceux qui, avec leurs familles, ont dû se résoudre à partir. Les deux premières ont laissé derrière elles respectivement Madagascar et Los Angeles, aux Etats-Unis, en juin/juillet 2020. Pour Marilyne et sa famille, le changement est plus récent, puisqu’ils ont déménagé de Hong Kong au tout début de l’année 2021.

 

Pour ces trois familles, les motifs ayant incité au départ ne sont pas toujours les mêmes. "Nous sommes partis, car nous avons compris que les frontières de notre pays d’accueil ne rouvriraient pas avant très longtemps", explique ainsi Hélène. "Nous avons également vu les conditions sanitaires et de sécurité se détériorer de manière extrêmement rapide et importante à cause du confinement. Il y a eu une montée de vols et cambriolages avec violence à cause du chômage engendré par le confinement." Du côté de Marilyne et Géraldine, ce sont avant tout des raisons économiques qui ont poussé au changement de vie. "Mon mari est pilote de ligne", confie Marilyne. "Il a passé un moment à la maison sans voler à cause du Covid, avant de se faire licencier en octobre. Mon activité ne pouvait pas nous faire vivre." Ils n’ont donc pas d’autre choix que de faire leur valise et quitter Hong Kong. De même pour Géraldine, qui a dû dire au revoir à la Californie, où sont nés ses trois fils, après 20 ans d’expatriation. "L’activité professionnelle de mon mari s’est arrêtée du jour au lendemain et l’agence photo pour laquelle il travaille depuis 23 ans lui a coupé 70% de sa rémunération dès le mois de mars 2020. Nous étions toujours sous visas, même après 20 ans et donc liés à l’entreprise française de mon mari. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de prendre la décision de revenir en France car nous n’avions pas la possibilité de chercher du travail dans un autre domaine faute de papiers." Quand à l’argument économique se joignent les problèmes administratifs de visas…

 

Partir, oui. Mais où ? 

Une fois la décision prise, il faut bien réfléchir au point de chute possible. Pour Géraldine et Marilyne, ce changement de vie a été synonyme d’installation dans leurs familles, plus précisément chez les parents en Dordogne pour la première et chez les beaux-parents en Suisse pour la seconde. Des solutions qui se sont imposées pour des raisons pratiques et financières : une grande maison chez les parents de Géraldine, permettant de les accueillir tous les 5, "le temps de se remettre sur pieds". Et de même pour Marilyne, qui est franco-suisse et dont l’époux est suisse, un cadre d’hébergement plus adapté chez ses beaux-parents, qui ont également "plus de moyens pour les aider". La famille de Géraldine a enfin choisi de privilégier une ville de taille moyenne afin de "favoriser une adaptation au système scolaire français sans doute plus douce" pour les deux plus jeunes.

 

Toutefois, cette installation au sein des familles ne s’est pas faite sans grincements de dents, comme le précise Géraldine : "La cohabitation les deux premiers mois, a été difficile et même s’ils étaient d’accord pour nous accueillir, ils se sont sentis envahis et quelque peu bousculés dans leurs habitudes. D’une vie à deux, ils sont passés à 7. Il est normal qu’il ait fallu un peu de temps pour que chacun prenne ses marques." Marilyne, quant à elle, a encore du mal à "supporter les commentaires des beaux-parents, en jonglant avec son postpartum" puisqu’elle a donné naissance à une petite fille peu de temps avant de partir, sans compter les tensions que la situation peut éveiller au coeur du couple.

 

Entre déchirement et soulagement

Retour "chez eux", sur l’île de la Réunion pour Hélène et les siens : "Au sein de ma famille les sentiments étaient partagés. Mon époux était triste, il aimait beaucoup Madagascar. Pour ma part j’ai ressenti un sentiment de soulagement énorme. Je voulais mettre ma famille en sécurité. J’étais soulagée, car si l’un d’entre nous avait le virus les soins seraient plus appropriés. Les enfants eux étaient heureux de rentrer à la Réunion. Ils étaient vraiment fatigués de l’école à la maison." Si la nostalgie frappe encore parfois à la porte, Hélène considère toutefois qu’ils ont tout de même "eu beaucoup de chance lors de leur retour". "Mon époux a pu continuer à travailler en télétravail ! C’est compliqué, car il lui manque le côté humain de son travail. Pour ma part, je suis beaucoup plus épanouie ici. J’ai retrouvé un travail immédiatement." Ses enfants les plus grands sont heureux de profiter d’une "parfaite autonomie, ce qui n’était pas le cas à Tananarive".

Un changement plus difficile à encaisser pour la famille de Géraldine : "Ça a été un déchirement de partir, comme tous les choix subis. Devoir tout plaquer du jour au lendemain dans cette situation extraordinaire que nous connaissons tous depuis un an maintenant. Sans aucune aide de l'entreprise, sans pourvoir dire au revoir à nos amis, sans même pouvoir sortir puisque confinés et en couvre feu même pendant quelques jours à cause des émeutes liées à l’assassinat de George Floyd. Ce fut un vrai traumatisme pour toute la famille qui s’est construite à Los Angeles et surtout pour Noah, notre deuxième qui a toujours été le plus anglophone des trois et le moins attaché à ses racines françaises." 

 

La blessure est encore à vif pour Marilyne qui, rien que d’évoquer la situation, pleure encore régulièrement. "Au moment de partir, c'était la panique", déclare-t-elle. "La maison n'était pas vide, on a dû laisser 1000 choses derrière nous, on était super bien. On avait une situation. La tristesse est toujours un peu là". Il faut aussi gérer les incompréhensions de sa fille de 30 mois "qui ne comprend pas pourquoi on ne prend pas un avion pour rentrer" et qui dort très mal depuis l’arrivée en Suisse. Pour les parents, c’est "comme une nouvelle expatriation" dans un pays qu’ils ne connaissent que trop peu.

 

Et maintenant ?

"Je n’envisage plus de partir lorsque les frontières rouvriront, du moins pas à Madagascar", estime Hélène. La crise sanitaire mondiale a en effet été l’occasion d’une prise de conscience importante pour elle : "Le Covid m’a montré qu’il est impératif de pouvoir repartir d’un pays d’expatriation rapidement. La sécurité est primordiale et nous n’avions jamais envisagé cela en partant en expatriation et pourtant c’était notre deuxième." 

 

Les familles de Marilyne et de Géraldine en sont au stade de la reconstruction. "Le Covid nous a tout pris", explique Marilyne. "Il va falloir tout reconstruire pas à pas". Quant à Géraldine, si elle voit avec satisfaction son fils le plus jeune, bourré d’une "joie de vivre" qui les porte, et son aîné s’adapter aisément à la situation, il n’en reste pas moins une étape plus délicate à traverser pour son fils de 15 ans. Et un avenir professionnel à envisager différemment pour son époux et elle. Son mari, photographe, a récemment été licencié, mais "est libre désormais de lancer son activité de manière indépendante". "De mon côté, j’essaie d’être présente et de faire le maximum pour ma famille. Nous avons eu beaucoup de choses à gérer et j’ai encore du mal à me lancer professionnellement. J’ai été le conjoint suiveur pendant 20 ans. Donc j’essaie de me retrouver et de réfléchir à cette nouvelle étape. Je suis psychologue de formation. Aujourd’hui, je souhaite me lancer dans une formation de coaching scolaire, qui me permettrait d’allier mon statut de psy avec mon expérience dans l'enseignement exercée à Los Angeles." Et de conclure : "Nous sommes tous en période de transition et nous espérons que d’ici quelques mois l’horizon se sera quelque peu éclairci. On y croit en tout cas !"


Ecrit pour Expats Parents par Amélie Perraud Boulard, coach pour ados et praticienne en psychopédagogie positive.
Son site : https://www.psychopedagogie-amelieperraudboulard.com/