Le traumatisme psychique, ça peut aussi arriver en expatriation.

#expatriation , #psychologie

La vie nomade peut être riche d’expériences inédites. Malheureusement, parfois, ces expériences peuvent être extrêmes et dramatiques. L’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth en est un bel exemple, de même que les derniers attentats à Bagdad, les émeutes dans plusieurs pays de l’Amérique latine, voire aux Pays-Bas, sans parler des catastrophes aériennes, des catastrophes naturelles comme les tsunamis, séismes, ouragans, etc.

Ces événements provoquent, certes, des dégâts corporels et matériels importants, mais aussi des dégâts psychologiques, moins visibles. C’est ce qu’on appelle un traumatisme psychique.

Ce traumatisme psychique peut conduire à ce qu’on appelle une névrose traumatique ou syndrome de stress post traumatique, ou PTSD (Post Traumatic Stress Disorder).


Un peu d’histoire

Déjà au 19ème siècle, le terme de traumatisme psychique était utilisé par certains psychiatres. Freud s’est beaucoup intéressé à la névrose traumatique avant de se lancer dans le concept de psychanalyse. Et les médecins militaires se sont emparés très tôt du sujet, suite aux pertes colossales des armées en effectifs malgré l’absence de blessure physique.


Qu’est-ce qui provoque un traumatisme psychique ?

L’ingrédient essentiel, est un événement brutal et violent qui surprend et nous submerge par son ampleur. Un attentat, un accident grave, une guerre, une catastrophe naturelle, un viol, une agression, enfin tout événement qui menace notre intégrité physique ou psychique ou celle d’un proche, voire celle d’un inconnu, car parfois ce traumatisme psychique nous affecte alors que nous sommes simples témoins. Sans être présent sur le lieu de l’événement au moment des faits, sa simple annonce peut provoquer en elle-même un traumatisme psychique lorsqu’un être cher l’a subi. De même, les secouristes et soignants dépêchés sur les lieux après sa survenue peuvent également subir le traumatisme.


Les réactions immédiates au traumatisme psychique

Lorsque cet événement survient, tout s’arrête. Il prend toute la place. Les réactions immédiates peuvent varier selon les individus. Certaines personnes, heureusement, arrivent à avoir les bons réflexes pour se mettre à l’abri, aider les autres à le faire ou secourir ceux qui en ont besoin. Mais ce n’est pas le cas de tous. Certains se retrouvent figés, statufiés, incapables de bouger, de réagir, y compris pour se mettre à l’abri. D’autres se mettent à s’agiter de façon désordonnée, s’exposant parfois davantage au danger. D’autres encore partent dans un mouvement d’errance semblable au somnambulisme, sans but précis. Des victimes (surtout en cas de viol) décrivent un état de dissociation où elles décrochent et « partent ailleurs » mentalement pour échapper à l’intolérable « ici et maintenant ». L’événement parfois ne revêt pas un caractère subit, ponctuel, mais correspond à une réalité intolérable qui s’installe et se vit de manière plus continue ou répétitive, comme dans les cas d’inceste, de violence conjugale ou de détention dans les camps de concentration. L’événement se reproduit et fait partie de la vie quotidienne, ce qui n’atténue en rien son caractère traumatisant, bien au contraire.


Le syndrome de stress post traumatique

A distance de l’événement traumatisant s’installent des symptômes qu’on peut classer en quatre catégories :

Les symptômes dits « intrusifs », constitués de bribes de l’événement traumatisant qui surviennent sous forme de souvenirs incontrôlables, de rêves désagréables, répétitifs, vécus intensément, de flash-backs. A noter que chez l’enfant, ces symptômes intrusifs peuvent se manifester sous forme de jeux répétitifs qui évoquent un ou plusieurs aspects du traumatisme, ou sous forme de terreurs nocturnes, parfois sans rapport avec le contenu clair d’un cauchemar précis.

Les symptômes dits « d’évitement » qui consistent à éviter de façon acharnée et active tout détail qui pourrait rappeler le traumatisme (lieux, personnes, objets, situations…).

Des troubles cognitifs et/ou de l’humeur : amnésie partielle de l’événement, apparition de croyances exagérées (« je suis fichu », « le monde est dangereux », « tout le monde est méchant »…), de théories complotistes farfelues, d’accusations non fondées, d’un sentiment de culpabilité non justifié. On note aussi l’apparition et la persistance d’émotions négatives (tristesse, colère, honte, peur…), et la perte des émotions positives (plaisir, intérêt, tendresse, joie…).

Une réactivité exagérée, se manifestant par de l’irritabilité, des épisodes colériques, des conduites dangereuses, des sursauts exagérés, des troubles du sommeil et/ou de la concentration. La personne est sur le qui-vive, incapable de lâcher prise.


Mécanisme d’action du syndrome de stress post traumatique

Une des théories qui tentent d’expliquer l’installation de ce syndrome est celle de la dualité Sujet/Objet. L’être humain est un Sujet, capable d’interagir avec son milieu, de décider et d’exécuter des actions qui peuvent influencer son environnement et aussi son propre sort. Un Objet est inanimé. Il n’est capable d’aucune action et ne peut que subir ce qui l’entoure et ce que d’autres (ou des circonstances) décident de lui faire endurer.

Lors de la survenue d’un événement traumatisant, le Sujet bascule subitement dans le statut d’Objet. Sa capacité d’action et d’interaction se retrouve annihilée. Il devient tout d’un coup complétement impuissant, dénué de tout pouvoir. Il ne peut que subir avec effroi cette horreur qui le prend au dépourvu.

La survenue de cauchemars, de flash backs ou de jeux répétitifs chez l’enfant peut être expliquée comme une tentative désespérée de l’inconscient de s’approprier l’événement et d’essayer de retrouver un pouvoir dessus. En d’autres termes, il s’agirait de « reprendre la main », retrouver cette capacité d’agir, de repasser du statut d’Objet à celui de Sujet.


Soigner le syndrome de stress post traumatique

Il est important d’identifier ce syndrome et surtout de savoir qu’il peut être efficacement soigné.

Dans le panel des techniques thérapeutiques proposées pour le traitement du syndrome de stress post traumatique, deux méritent explications : l’hypnose et l’EMDR.

L’hypnose

L’hypnose est une technique ancestrale, tombée dans l’oubli et le dénigrement pendant des décennies. Depuis quelques années, elle suscite à nouveau un intérêt grandissant, à juste titre. Anesthésistes, dentistes, urgentistes, sages-femmes, psychiatres et plein d’autres catégories de soignants s’y forment et la pratiquent, séduits par sa simplicité et son écologie, réduisant de manière significative l’utilisation de produits pharmacologiques et améliorant notablement le bien-être des patients.

Dans une situation de syndrome de stress post traumatique, l’hypnose aide la victime à revivre son traumatisme « autrement », en changeant d’angle de vue, ce qui aide le patient à reprendre le « pouvoir », à basculer à nouveau dans un statut de Sujet. Cette action suffit pour faire régresser les symptômes et soulager le patient qui peut alors reprendre sa vie en main.

L’EMDR

L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une technique qui surprend aussi par sa simplicité. Développée dans les années 80 par Francine Shapiro (éducatrice et psychologue américaine), elle est basée sur la stimulation bilatérale du mouvement des yeux (comme son nom l’indique). Cette stimulation bilatérale peut aussi être obtenue de façon tactile ou sonore. Pour simplifier succinctement : en cours de séance, on demande au patient d’évoquer un moment pénible. Forcément, une réaction émotionnelle négative apparaît à cette évocation. Le thérapeute stimule alors de façon bilatérale la vision du patient en lui demandant de suivre des yeux un mouvement rapide de gauche à droite (ou alors le thérapeute induit une stimulation tactile ou sonore sur le même principe). Cette simple action permet au cerveau de décoder et recoder les perceptions négatives liées à ce moment pénible. Ces perceptions deviennent alors moins négatives, et leur pouvoir nuisible sur le patient s’atténue. Le patient redevient maître de ses émotions, il reprend la main.


Prévenir, identifier, soigner vite

Une règle d’or est importante dans le traitement du syndrome de stress post traumatique : ne pas attendre ! Plus on l’identifie vite et plus on réagit rapidement, plus la prise en charge est simple et efficace. D’ailleurs, la prévention avant même l’apparition des symptômes est de plus en plus pratiquée. C’est le rôle des fameuses « cellules psychologiques » qu’on voit fleurir dès la survenue d’un événement traumatisant de masse.

 

Quelques définitions :

  • Un symptôme est ce que ressent le patient de façon subjective et qui exprime un dysfonctionnement. Il peut être physique ou psychique. Ex : la douleur, la nausée, des fourmillements, mais aussi l’anxiété, la culpabilité, la tristesse, etc.

  • Un « signe » est une manifestation « objective » que peut constater l’entourage du patient et/ou le médecin consulté. Il peut également être physique ou psychique. Ex : la fièvre, une tuméfaction, une rougeur, des vomissements, mais aussi une agitation, une irritabilité, des sursauts, etc.

  • Un syndrome est un ensemble de signes et de symptômes qui, regroupés, constituent une entité pathologique (une « maladie »)

  • Le traumatisme psychique est le « coup » que reçoit notre psychisme, alors que le syndrome de stress post traumatique est l’ensemble des symptômes qui en découlent.

 

A noter :

  • Tout traumatisme psychique ne provoque pas inéluctablement un syndrome de stress post traumatique (fort heureusement !)

  • Dans le traitement du syndrome de stress post traumatique, le recours à un traitement médicamenteux peut être justifié, surtout lorsque le degré d’anxiété est très élevé, lorsque l’état du patient se dégrade et engendre une dépression, ou lorsque l’insomnie devient trop importante.

  • Parmi les troubles cognitifs et de l’humeur, la « culpabilité du survivant » occupe une place particulière. La personne se sent authentiquement coupable d’avoir échappé à l’événement qui a tué d’autres personnes (attentat, prise d’otages, détention dans un camp de concentration…). Cette culpabilité nullement justifiée est malheureusement fréquente.

    En espérant que l’expatriation vous épargne ces mauvaises surprises, prenez soin de vous.


Article écrit pour Expats Parents par Nelly Soulié, psychiatre