Comment appréhender cette période de reconfinement, sans se laisser déborder par ses émotions.

#Reconfinement , #psychologie

Etat de sidération

Il m’aura fallu une journée pour reprendre le contrôle du cours de mes projets. Une journée où j’étais abattue, perplexe, fatiguée. Il a été difficile de digérer cette nouvelle qui est venue chambouler notre équilibre retrouvé. Le nôtre consiste à être sur deux villes, dans deux pays avec une activité professionnelle très perturbée. Le vôtre est peut-être d’être aussi sur plusieurs pays, avec des jeunes ou des moins jeunes loin de vous, des couples séparés par les restrictions de voyage, des projets qui s’annulent chacun leur tour, voire même des proches malades que vous ne pouvez pas accompagner, des répercussions économiques, etc…
Ce délai d’une journée vous surprend peut-être, et vous parait peut-être court au vu de votre expérience. Il n’y a aucune règle, aucun délai acceptable ou non. En revanche l’objet de cet article est de vous aider à avancer.

Certes les taux de transmission du covid laissaient deviner que le reconfinement pourrait avoir lieu, mais malgré tout en tant qu’être humain il y a des choses que notre esprit a du mal à concevoir et du coup à identifier. Ce reconfinement inéluctable en est une. Nous avons tendance à être optimiste, c’est une façon de lutter contre l’angoisse.

Parallèlement ce qui m’a interrogée, dans ma propre réaction, pas seulement psychologique, mais aussi physiologique est l’apparente contradiction, entre ce que je pouvais dire de ce qu’avait été le confinement passé pour notre famille, et ce que j’en appréhendais. Je parlais en effet d’une « parenthèse délicieuse ». Oui oui vous avez bien lu ☺ Une parenthèse délicieuse car nous avons eu le privilège d’être tous rassemblés dans de bonnes conditions, notamment avec mes fils ainés qui étaient déjà partis de la maison depuis 2 et 3 ans.

 

Alors ?

Alors je crois que chacun est capable de faire contre mauvaise fortune bon cœur, de s’adapter et de ne retenir de cela que les bons côtés.

Tandis que la perspective de recommencer fait apparaître le coût de cet effort d’adaptation, ce que cela a coûté en terme d’énergie, ce qu’il en a coûté à nos étudiants et à nos enfants. L’appréhension est le résultat d’un phénomène de projection dans l’avenir et dans les difficultés. Ce que l’on a porté en tant que maman, en tant que parents, ce que nos adolescents, en ont subi. Je disais en juin dernier, mi-figue mi-raisin que mon adolescent de 15 ans était confiné dans son lit ☹. 

Se projeter dans l’avenir de ce reconfinement, nous révèle à nous même les ressources auxquelles nous avons dû recourir, et comment le post confinement les a révélées elles aussi, nous nous interrogeons alors sur la pérennité de nos ressources, et comment les retrouver le cas échéant. Se projeter dans l’avenir peut de ce fait devenir inquiétant, lassant ou source de dépression. Se projeter dans le reconfinement peut aussi nous faire douter sur la capacité à y faire face une seconde fois.

A cela s’ajoute le fait que si l’on n’a pas encore été trop atteint dans son entourage par la maladie, le risque prend une forme lancinante, une vague qui s’apprêterait à déferler, avec violence et dangerosité. L’inquiétude grandit.

 

Les clés ? 

Ou comment procéder pour sortir de son impuissance.

La première clé, l’essentielle, le mot d’ordre, le mantra, celui que je reprends toujours en thérapie quand mes patients sont anxieux : Vivre le moment présent, utiliser sa capacité de contrôle dans l’ici et maintenant. Concrètement il s’agit de faire tout ce qui est en notre pouvoir au moment présent pour que ce moment se passe bien. La notion de se passer bien est elle aussi variable. Très sincèrement le degré d’activité n’est pas le bon critère, je prône davantage pour estimer la souplesse du déroulement des événements comme signe du confort de chacun. L’inactivité peut-être le moment dont vous avez besoin pour vous réapproprier le temps du confinement. D’autres choisiront de sortir au maximum des possibilités laissées par les règles en vigueur ; j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de norme à suivre par rapport aux autres, mais un temps à soi à gérer pour soi, sans se projeter dans un avenir inconnu. Il s’agit d’exercer son libre choix dans l’espace de liberté dont on dispose.

La seconde clé, une posture saine : Empêcher notre esprit d’élaborer des scénarios catastrophes. Bloquer le processus qui nous fait envisager les pires situations. « S’il arrive cela, alors il se passera ceci, et alors autre chose… » Ce sont des pensées qui viennent polluer notre énergie et notre adaptation au réel. Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille, oui et encore oui, ne mettons pas avec des « si », toute notre famille à l’hôpital seule et isolée. Ces pensées qui se font passer pour des processus d’anticipation sont en fait des ruminations stériles.

La troisième clé : identifier les ressources afin de se rassurer. Passer de ce qui nous manque, de ce qu’il manque à notre étudiant dans sa chambre de bonne, aux ressources qui sont disponibles si cela devient nécessaire. Ce « Si cela devient nécessaire » est utile, cela revient à vous rassurer sur les solutions, sans se noyer dans des hypothèses anxiogènes. Vous pouvez identifier les ressources, et choisir de prévenir les personnes qui pourront vous relayer que vous les solliciterez peut-être. Vous serez certainement très bien accueillis. Une fois ces plans B préparés, vous pourrez être rassurés. Se rassurer, revient à reprendre la maitrise des événements. Vous libérez ainsi votre esprit vous pouvez même aller jusqu’à interdire autoritairement à votre pensée de galoper dans les méandres des hypothèses négatives. 

La quatrième clé : organiser les équilibres. Fort de votre expérience passée, vous identifiez ce qui vous a aidé, ou ce qui ne vous a pas aidé pendant le premier confinement. Au niveau sommeil, répartition des heures de travail, activité physique, alimentation, loisir, relation avec les autres. De quoi avez-vous besoin ? L’avantage de ce reconfinement est que nous sommes rôdés en quelque sorte. Certes nous pouvons appréhender, comme indiqué dans mon introduction, nous avons appris nos limites, mais nous pouvons aussi identifier nos besoins et les prendre en considération plus facilement. Sans vous mettre trop de pression, et en faisant confiance aux autres pour assumer leurs propres besoins.

Pour m’aider dans cette organisation, je suis la reine des listes que je ne relis pas ☺. Peu importe, écrire me permet d’ancrer dans mon esprit une fois pour toutes et de ne pas ruminer.

D’autres s’aideront de post-it, d’agendas très remplis, d’emploi du temps précis pour leur famille.

D’autres utiliseront des schémas repères, des dessins, des rappels automatiques sur leur téléphone.

D’autres se diront qu’il vaut mieux s’adapter au fur et à mesure des situations et ne rien figer.

Il n’y a pas de support obligatoire, en revanche il y a une posture personnelle à avoir essentielle, une fois que l’on a répertorié ce qui devra bien être planifié : rester ancré dans l’instant présent.

 

Voici un exercice de relaxation profonde active, que je vous pouvez faire :  

Fermez les yeux, respirez trois fois très lentement, par exemple en comptant jusqu’à 5 dans l’expire et l’inspire.

Visualisez un cercle autour de vous, d’un petit mètre de diamètre. 

Laissez votre esprit répondre spontanément à la question : « De quoi ai-je besoin pour trouver mon équilibre ? »

Les mots qui vont surgir sont les éléments sur lesquels vous devez prioritairement porter votre attention pour garder votre capacité d’agir ensuite. Par exemple : savoir ses enfants en lieu-sur, pouvoir répondre à la demande de son boulot, s’assurer que ses parents vont bien, faire de l’exercice physique… 

Une fois des actions posées pour répondre aux besoins généraux et vous rassurer, concentrez-vous sur vos besoins personnels. Prendre soin des autres, commence par prendre soin de soi.


Ecrit pour Expats Parents par Aude de Villeroché, Psychologue, et créatrice du Réseau Soignants dans le Monde
Son site : http://soignantsdanslemonde.com/