Conjoints accompagnants : être acteur en expatriation !

#expatriation , #conjoint , #psychologie

Pistes pour démarrer une réflexion.

Dans la vie, le changement est permanent et les modèles linéaires de vie n’existent pas. Chaque vie humaine traverse des cycles avec des successions et répétitions de « chapitre de vie », des période stables et positives et des « passages » (ou transitions) qui sont des périodes plus chaotiques. C’est une réalité concrète et objective. Les changements sont de différents types et nécessitent donc de notre part des transitions de nature différente.

L’expatriation est un changement, un changement important pour l’expatrié et pour toute sa famille : changement de pays, de culture, d’école, d’amis, de maison etc… ! Cela nécessite toujours une transition de la part du conjoint accompagnant qui peut être de 2 natures : soit elle exige une stratégie d’adaptation comportementale comme par exemple apprendre la langue du pays d’expatriation, soit elle nécessite un changement de paradigme individuel, un repositionnement.

Voici quelques pistes de réflexion pour être acteur d’un chapitre de vie à l’expatriation en tant que conjoint accompagnant.


Premiers mois d’expatriation, les multiples rôles du conjoint accompagnant !


Lors du départ en expatriation, le conjoint accompagnant doit quitter son « job », ses différentes occupations, ses relations sociales, ses habitudes, il perd son statut et son rôle**.

Et rapidement, il endosse un nouveau statut avec un rôle qui est prescrit, attendu par la famille, indispensable à la réussite du projet commun, celui de « chef d’orchestre » du projet, responsable de l’organisation et de l’adaptation de chacun des membres de la famille dans le pays d’accueil (aménagement, rentrée scolaire, documents administratifs etc…).

La mise en route effectuée, le conjoint accompagnant perd à nouveau son statut et son rôle de « chef d’orchestre » et peut se sentir désœuvré… sans statut, sans rôle bien défini... Il est souvent confronté à ce moment-là à la question suivante : « Que faire maintenant ? ». Cette période est souvent une phase de réflexions et d’interrogations importantes, notamment sur le sens de sa vie. Il est essentiel de prendre conscience que cette période est « normale », qu’elle sera dépassée et, même plus, qu’elle s’avérera bénéfique ! 

Analyse cyclique des 5 phases de l’expatriation

Répondre à cette question : « Que faire maintenant ? » 


Voici 3 prérequis pour répondre à cette question :

  • Prendre le temps d’accepter la situation, d’accepter la perte de son « job », de ses liens affectifs, de ses habitudes… Ce temps de « deuil » est indispensable et d’une durée variable.

  • « Voir la vie en rose », se mettre dans un état d’esprit positif : « Qu’est-ce que l’expatriation m’offre de positif ? Qu’est-ce que j’apprécie aujourd’hui ? » Se centrer sur les points positifs aide à l’acceptation, tandis que mettre l’accent sur les difficultés entraînent un sentiment d’impuissance. Les difficultés ne sont pas occultées, elles doivent être prises en compte si elles nuisent à l’acceptation de la situation ou à la réflexion.

  • Être convaincu de « l’ illusion de la fin de l’histoire » c’est à dire être convaincu que notre personnalité n’est pas figée, et que, donc, de nombreuses opportunités de développement sont devant nous... Nous sous-estimons les changements à venir. En effet, il est plus difficile d’imaginer le futur que de se remémorer le passé ! En prendre conscience ouvre des perspectives !


Ensuite, les notions ci-dessous permettent d’enclencher l’élaboration d’une réponse. Un accompagnement par le coaching aide et enrichi la réflexion également.

  • Ai-je une motivation autonome, c’est-à-dire personnelle dans ce chapitre de vie?

Pour être épanoui dans le chapitre d’expatriation, il est nécessaire d’en être acteur, d’avoir son projet personnel. Ce projet varie d’une personne à l’autre et il n’est pas uniquement professionnel.

La théorie de l’auto-détermination de Decy et Ryan (2000) est éclairante. Elle distingue 2 types de motivations : les motivations dites « contrôlées » et les motivations dites « autonomes ». Ainsi, une motivation est dite autonome quand l’activité est réalisée spontanément et par choix, alors qu’une motivation est dite contrôlée quand l’individu réalise une activité pour répondre à une pression externe ou interne, et qu’il cesse toute implication dès que cette pression diminue. Une motivation contrôlée entraînera certainement soit l’échec de l’expatriation soit des difficultés importantes d’adaptation, d’intégration et donc d’épanouissement.

Voici les questions à se poser pour développer une motivation autonome :

« Quelle est ma motivation dans ce projet ? », « Est-ce une motivation personnelle ? »

« Qu’est-ce que je souhaite aujourd’hui et maintenant ? Qu’est ce qui est important pour moi et me procure de l’énergie ? Qu’est-ce que je veux ? »


  • La recherche de sens comme source d’énergie :

Toute personne est animée au fond d’elle-même par le sens qu’elle souhaite donner à sa vie. Ce sens est réalisé quand notre identité et notre personnalité, en interaction avec notre environnement, sont alignés et congruents.

Différents outils et questions peuvent accompagner cette démarche. D’après Frédéric Hudson, un des pères du coaching actuel, expert du changement, il existe 6 grands pôles qui nous alimentent en énergie, 6 sources en corrélation directe avec nos valeurs fondamentales et nos passions.

La puissance personnelle : se connaître pour s’approprier son pouvoir personnel, se former, équilibrer ses domaines de vie.

La réussite : exercer ses compétences, mener ses projets à bien et élever graduellement ses standards de réussite.

L’intimité : favoriser l’intimité avec soi et se partager, favoriser les liens sociaux.

Le jeu et la créativité : s’exprimer, s’amuser, développer son imagination.

La recherche de sens : intégrer son intériorité, étendre son champ de conscience pour être aligné et exprimer ses talents naturels.

La compassion et la contribution : se donner, être utile, servir.

« La meilleure façon de guider votre vie à travers son changement perpétuel est de suivre vos valeurs et votre vision de l’avenir. Comme un gouvernail, vos valeurs vous garderont dans le chemin préféré de votre intégrité. Comme une voile, votre vision vous fera faire escale dans vos attentes légitimes ». Généralement 2 ou 3 pôles sont favorisés. Il est nécessaire de les identifier et de les entretenir car ils sont notre source d’énergie au-delà des changements, des évènements.


  • L’exploitation de notre potentiel :

Nous avons tous des zones ignorées de notre personnalité, des ressources non exploitées. 

Aussi, l’apprentissage permanent ouvre de nombreuses perspectives : quel que soit notre âge, nous sommes en mesure d’apprendre et ainsi de rebondir !

L’activité professionnelle n’est pas l’unique source d’épanouissement. Il en existe plusieurs, et qui peuvent être conjuguées.

-   La poursuite de sa profession.

-   Une nouvelle aventure professionnelle, un nouvelle expérience professionnelle.

-   Le suivi d’une formation, la découverte d’un nouveau domaine, l’acquisition d’une nouvelle compétence.

-   Une parenthèse privilégiée en famille, faire une pause.

-   Un investissement dans le bénévolat…

 

Trois illustrations de parcours de conjoint accompagnant :

 

A titre d’exemples, des personnes ont accepté de témoigner sur leur cheminement et leur chapitre de vie à l’expatriation.

« Lorsque nous avons quitté la France pour notre première expatriation, en 2004, je me suis sentie investie du devoir de m’adapter rapidement à ce pays afin que toute ma famille s’y épanouisse. La curiosité de découvrir ce nouveau pays, ses habitants, ses traditions... m’a conduite à apprendre la langue et je n’ai pas regretté car cela m’a ouvert toutes les portes et surtout permis de communiquer avec les gens du pays.

En quittant la France pour suivre mon mari, j’ai choisi de renoncer à un métier et à une carrière pour m’investir dans ma vie de famille afin d’offrir à mes deux enfants et à mon mari une meilleure qualité de vie.

Pour mes enfants, encadrement scolaire, écoute, débriefing de chaque expérience, transmission des valeurs... j’ai pu me concentrer à fond sur mon rôle de maman.

Pour mon mari, un grand partage de son quotidien professionnel m’a permis de rester « dans le coup » professionnellement parlant. En comprenant ses impératifs, ses objectifs, ses tensions, je pense avoir aussi pu l’aider à gérer les périodes délicates et sa carrière.

Mais ce coaching familial ne remplissant pas tout mon temps, je me suis très vite rapprochée des structures associatives dès le premier pays où j’ai vécu, puis dans les deux suivants. C’est tout d’abord vers les associations de parents d’élèves que je me suis tournée. J’ai commencé par être représentante des classes de mes enfants puis administratrice pour finir présidente d’une APE. J’ai ainsi été représentante des parents dans les conseils des lycées français (conseil d’établissement, conseil d’école, conseil du second degré, conseils de discipline...). Cette activité associative m’a permis de concilier le suivi scolaire de mes enfants avec mon envie d’être utile à la communauté. Mais lorsque les enfants ont grandi et quitté notre foyer, j’ai dû quitter moi aussi le lycée... 

En parallèle de ces APE, je me suis aussi investie dans les associations pour expatriés. Afin d’accueillir les nouveaux venus, de les accompagner dans leurs premiers pas mais aussi en organisant des événements culturels ou festifs.

Puis un jour, j’ai eu envie d’une cause plus grande, plus essentielle. C’est ainsi que j’ai découvert à Dakar une structure admirable qui s’occupait des enfants déficients intellectuels de l’âge de 5 ans jusqu’à leur accompagnement dans leur vie d’adulte avec une véritable préparation à leur insertion professionnelle. J’ai commencé en prenant en charge la réalisation de leur newsletter pour petit à petit intensifier mon action jusqu’à y consacrer tout mon temps libre et mes compétences.

Cet investissement associatif m’a permis de remplir mon emploi du temps personnel. Il m’a offert une réelle activité, certes non rémunérée mais tellement épanouissante! Cela m’a clairement donné le sentiment d’être utile, importante, compétente. Et je pense qu’il a été la principale raison de la réussite de mes expatriations en tant que « conjointe non active ».

Cela a contribué très largement à mon équilibre et à mon bonheur, n’ayons pas peur des mots ! »

*****

« Nous avons vécu une première expatriation en famille. J’ai alors décidé de m’arrêter de travailler. Je me sentais soulagée et chanceuse d’avoir enfin du temps pour moi. Mais j’ai alors découvert une facette de ma personnalité que je ne soupçonnais pas : je me suis ennuyée !

Forte d’une première expérience, j’ai décidé que la prochaine expatriation devait inclure mon projet. Nous avons donc réfléchi ensemble, dans le couple, comment inclure mon projet dans cette nouvelle aventure. J’ai donc décidé à la fois de trouver sur place l’opportunité de poursuivre mon travail à mi-temps et de reprendre des études par correspondance. J’ai eu la chance de trouver rapidement, via les réseaux sociaux, l’opportunité professionnelle que je souhaitais, dans le cadre que je m’étais fixé (mi-temps pour rester disponible pour ma famille et mes études). J’avais également fait mon inscription pour mes études avant de partir. Je suis donc arrivée avec un projet construit en amont, qui me satisfaisait et qui s’intégrait dans le projet familial. Je ne suivais plus, j’étais actrice de cette expérience. Et même, si il y a eu des difficultés, des obstacles et des adaptations nécessaires, j’ai pu conserver cette ligne directrice que je m’étais fixée, tout en souplesse. »

*****

« Après 15 ans d’une vie professionnelle très dense, rythmée par un travail très prenant en temps et en responsabilités et les arrivées successives de 3 enfants, nous avions la sensation mon mari et moi de passer notre temps à courir chacun sur des routes parallèles, sans se voir et sans voir les enfants. Nous étions l’un et l’autre frustrés de notre vie de famille, malgré des boulots qui nous passionnaient tous les 2. En outre, les enfants étaient difficiles car nous ne leur consacrions probablement pas assez de temps.

Lorsque mon mari a eu l’opportunité de partir à l’étranger nous avons sauté sur l’occasion pour tout changer ! A moi la découverte d’une vie où j’ai enfin du temps « pour moi » ! Les enfants étant scolarisés une grande partie de la journée, j’organise mon emploi du temps de façon à pouvoir faire tout ce que je n’ai jamais eu le temps de faire en travaillant à plein temps : peinture, sculpture, Yoga, temps consacré aux autres dans deux associations, cours de cuisine locale, me voilà bien occupée avant le retour des enfants ! A leur retour commence ma deuxième journée, tournée vers leurs activités et vers un temps qui leur est entièrement consacré.

Après 4 ans de ce rythme béni, nous repartons pour une nouvelle expatriation dans un pays qui ne me permettra pas de continuer à suivre ces activités. Je décide alors de me réorienter. Fini le Marketing grande conso, l’univers de l’architecture m’a toujours passionnée, je me renseigne et trouve une formation en ligne pour devenir architecte d’intérieur. L’ensemble des cours est en e-learning, je peux travailler à mon rythme et rends mes devoirs au fur et à mesure que j’avance. C’est motivant et très gratifiant. Ma plus grosse difficulté est de travailler seule derrière mon ordinateur tout au long de la journée sans avoir de contact vers l’extérieur.

Un peu plus de 3 ans après, c’est dans un nouveau pays d’accueil que je boucle mes études, forte de multiples expériences. J’ai eu l’opportunité de trouver plusieurs clients, de mettre en pratique de nombreux acquis théoriques et de pouvoir mener à bout plusieurs chantiers. Le tout en parallèle des derniers devoirs à rendre. Beaucoup de travail et d’investissement mais c’était passionnant !

A aucun moment de ma vie d’expatriée je n’ai regretté notre choix de vie. Il m’a permis de trouver un véritable équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, de pouvoir consacrer du temps aux enfants, de me montrer plus disponible pour eux et pour mon mari, de m’épanouir personnellement, de pouvoir également dégager du temps pour les autres, et notamment pour des associations dont le but me tenait à cœur.

Aujourd’hui nos enfants ont bien grandi. L’ainé a quitté le nid, et le second part dans 1an1/2. Nous songeons à rentrer en France au moment du départ de notre second fils. Nos parents sont plus âgés, les enfants les plus jeunes ont besoin de mieux connaitre leurs racines françaises, nous ressentons également le besoin de ne pas éclater la cellule familiale au-delà des frontières.

Et puis après 12 ans de parenthèse, nous sommes prêts à venir réinventer notre vie en France, avec une véritable envie de partir à la découverte de notre beau pays avec un œil d’expatrié ! »

*****

Nous avons tous les moyens de nous réinventer, de créer un chapitre de vie qui nous apporte sens et énergie dans notre nouvel environnement !

L’expatriation est une opportunité pour une nouvelle aventure personnelle et professionnelle !
Bonne réflexion !


Article écrit par Béatrice Thibault-Beauregard
Si vous êtes disponible pour échanger ou témoigner sur votre chapitre de vie, je serai ravie d'enrichir ma réflexion avec vous. N'hésitez pas à me contacter. 
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* 2ème cycle: retour au pays natal ou nouvelle expatriation.
** Selon Linton (1959), le statut est « la place qu’occupe un individu dans un système à un moment donné » et le rôle peut être considéré comme « une mise en actes du statut, c’est-à-dire comme l’aspect dynamique du statut ».