Pratiques autour du monde : comment et pourquoi masser un bébé ?

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En France, l’idée même de masser un bébé nous interroge et nous préoccupe : Comment s’y prendre ? Quand le masser ? Par quelle partie du corps commencer ? Quel produit utiliser ? Comment ne pas lui faire mal ?... 

Pourtant, ailleurs dans le monde, le massage des bébés est une pratique très courante.


Dans notre pays, masser un bébé n’est pas la première idée qui vient à l’esprit des parents. En effet, notre culture se focalise sur d’autres sens jugés plus utiles ou plus nobles comme la vue ou l’ouïe. D’ailleurs, dans les rayons bébés des supermarchés, de nombreux jouets sont proposés pour stimuler le regard du tout-petit (couleurs vives ou jouets en noir blanc, formes géométriques censées « guider le cerveau en développement de bébé » [sic]…). D’autres promettent d’éveiller son audition (jouets musicaux, imagiers sonores censés aider le bébé à découvrir le monde). Certains jouets sont même conçus pour stimuler la vue et l'ouïe en même temps : mobiles, peluches ou autres jouets musicaux ET lumineux…

Il y a l’embarras du choix ! Alors, forcément, en tant que parent d’un tout petit, on s’y perd un peu de toutes ces propositions ! Et comme on sait que toutes les expériences que notre bébé vit dès sa naissance stimulent son petit cerveau, on a tendance à acheter encore et toujours plus pour mieux l’aider à s’éveiller… Parce qu’on voudrait absolument le meilleur pour lui et que l’on fait le maximum et même plus pour être le plus compétent possible


Mais, dans beaucoup de cultures dites « traditionnelles », il n’y a pas tous ces jouets…. Et pourtant, l’entourage de ces bébés du bout du monde fait aussi le maximum pour les « stimuler » au quotidien. Pour ce faire, le massage est très souvent un incontournable. En effet, le simple fait de partager un moment avec son bébé fait souvent mieux travailler ses neurones que n’importe quel objet. Et lorsqu’on masse un enfant, le sens du toucher n’est pas le seul à être stimulé : la vue (regarder la personne qui le masse), l’ouïe (l’écouter parler), l’odeur et pourquoi pas le goût (de l’huile de massage) le sont aussi. Un moment de massage offre donc à lui seul un vrai feu d’artifice sensoriel qui nourrit le cerveau du bébé !


Faisons le point sur les pratiques de massage autour du monde.



Comment apprend-on à masser un bébé ?

Dans ces cultures où le massage est une habitude, il n’y a pas besoin de cours spécifiques, comme chez nous. On n’appréhende pas non plus le sens du toucher.

On se transmet ce savoir-faire naturellement, en reproduisant les mêmes gestes que les autres femmes que l’on a regardé faire. D’ailleurs, la mère qui vient d’avoir un premier bébé masse rarement son enfant elle-même. La masseuse est généralement une personne de son entourage, la grand-mère du petit ou une autre personne expérimentée. Cette dernière pratique son art sous l’œil attentif de la mère du bébé qui pourra prendre le relais après plusieurs séances d’observation.

 

Quand masser un bébé ?

Le plus souvent, le massage est pratiqué tous les jours, avant ou après la toilette du bébé.

Il est souvent réalisé dès les premiers jours de la vie du petit et jusqu’à ses 4-5 ans comme dans des cultures du Maghreb, de Chine ou d’Afrique.

Mais il peut aussi être proposé seulement à partir d’un certain âge. Par exemple, dans certaines cultures de Inde, il n’est pratiqué qu’à partir du 28ème jour de vie de l’enfant, le premier mois étant réservé au massage de la maman. (Dans beaucoup de cultures, la mère est « maternée » pendant plusieurs semaines, souvent jusqu’à 40 jours après son accouchement. L’objectif est qu’elle puisse récupérer de cette épreuve, se détendre et être pleinement disponible pour son bébé. Il y aurait beaucoup à dire sur ces coutumes et on gagnerait aussi beaucoup à s’en inspirer, mais c’est un autre thème qui pourrait faire l’objet d’un prochain article…)

 

Avec quoi masser un bébé ?

Dans les sociétés qui pratiquent traditionnellement le massage, la masseuse est souvent assise sur le sol, éventuellement le dos appuyé contre un mur et les jambes allongées, tandis que le bébé est étendu sur ses jambes, nu.

Cela permet d’enduire pleinement le corps du tout-petit avec un produit pour faciliter les glissements, mais aussi pour hydrater sa peau, la rendre douce et/ou luisante, ou encore la protéger du soleil ou des insectes. Certaines mixtures sont également considérées comme repoussantes contre les esprits maléfiques et les mauvais sorts.

Lorsque la nouvelle maman commence à masser son bébé, elle n’a pas à s’interroger pour choisir le produit qui convient le mieux : sa culture a déjà sélectionné pour elle l’huile la plus adaptée et la plus facilement accessible. Ainsi, on utilise de l'huile de sésame ou de moutarde en Inde, du beurre de karité ou de l’huile de palme dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, de la graisse de bœuf dans certaines cultures du Maghreb, ou encore des mixtures plus élaborées comme une base d’écorces de pin pilées et de peaux de courges dans le Sahara Algérien.

 

Comment masser un bébé ?

Ici encore, chaque culture a ses mouvements de massage spécifiques, réalisés avec la paume de la main ou la pulpe des doigts. Le plus souvent, les gestes sont toujours les mêmes et respectent un enchaînement très protocolaire pour chaque partie de corps, suivant un ordre précis toujours identique.

Les mains de la masseuse apportent au bébé de nombreuses stimulations : étirements, pressions, percussions, frictions, glissements, pétrissages, vibrations, torsions, tapotements, …

Dans certaines cultures notamment d’Afrique subsaharienne, le massage inclut des suspensions par les bras, la tête et/ ou les pieds. On peut même projeter le bébé en l’air ! De telles pratiques peuvent nous paraître très impressionnantes voire brutales, d’autant que, le plus souvent, le bébé ne semble pas apprécier ces mobilisations et pleure beaucoup. Meissa Fèye, médecin sénégalaise, qui a déjà reçu des bébés souffrant de fractures ou d’élongations suite à un « massage raté », rapporte dans un article du monde que « les risques sont réels et cela peut être grave. Il ne faut pas que le geste soit trop violent. ». C’est pour cela que dans ces cultures, le massage doit être réalisé par une personne expérimentée.

 

Pourquoi masser un bébé ?

  • Masser un bébé pour le stimuler

Dans ces cultures qui pratiquent un massage si dynamique, le but est d’assouplir la peau et les muscles du bébé, et/ou d’affermir son squelette. L’objectif est que l’enfant apprenne à surmonter ses peurs, que son corps soit robuste pour surmonter une éventuelle attaque du monde invisible ou les difficultés de sa vie future.

  • Masser un bébé pour le relaxer

On masse aussi son enfant pour diminuer ses tensions et lui apporter une détente corporelle. C’est le cas notamment en Inde, en Thaïlande, au Maghreb, et… chez nous !

  • Masser un bébé pour détecter ou prévenir les maladies

Masser régulièrement un bébé permet d’évaluer l’évolution de ses tensions. On peut aussi détecter des anomalies sur sa peau ou d’autres symptômes de maladie (boule de graisse, kyste...)

En Chine et au Japon, cela va encore plus loin parce que le massage est considéré comme une médecine préventive. Il permet de faire circuler l’énergie dans les méridiens et donc de prévenir les maladies comme les rhumes ou les maux de ventre notamment.

  • Masser un bébé pour le sociabiliser

Parfois, le massage permet aussi de remodeler le corps du bébé pour qu’il corresponde au modèle social valorisé. En Afrique subsaharienne, on cherche par exemple à affiner le nez des nourrissons, à élargir les épaules des garçons et les hanches des filles.

Masser un bébé peut aussi être un rite de passage. On considère alors que cela permet au bébé d’entrer dans sa famille et dans sa société, de s’extraire du monde de l’au-delà et/ou du monde des ancêtres d’où on considère qu’il vient.

Et en France, qu’en est-il du massage des bébés ?

Aujourd’hui en France, on masse son bébé pour le détendre, l’apaiser, mais aussi pour partager un moment d’échange et de complicité avec lui.

Pourtant, cette pratique reste relativement peu fréquente parce que dès le plus jeune âge, notre culture nous enseigne à limiter les contacts physiques, et notamment à ne pas toucher les objets ou le corps des autres.

Pourtant, jusque dans les années 1950, le corps du bébé français faisait l’objet de multiples attentions : emmaillotement ou encore réchauffement au son de comptines. Souvent, les sages-femmes remodelaient aussi la tête trop pointue de certains bébés.

Puis, peu à peu, pour des raisons d’hygiène, mais aussi pour éviter un quelconque « risque libidinal » [sic], l’interdit du toucher a fini par prendre le dessus dans notre pays. Dans leur cours de puériculture de 1947, les Docteurs Oria et Raffin font des préconisations qui, malheureusement, ont laissé des traces dans nos inconscients collectifs : « vous êtes tentée de prendre [le bébé], n’en faites rien, car vous deviendriez son esclave… Il est beaucoup mieux étendu dans son lit que mal installé sur votre bras » [sic !]

Heureusement, aujourd’hui, on cherche à renouer avec ce sens du toucher et on redécouvre l’importance du contact physique pour construire les premiers liens et pour créer une belle relation avec son tout-petit.

On s’essaye à masser son bébé, le plus souvent en suivant des cours de massage dont les techniques s’inspirent essentiellement des traditions indienne, suédoise, ainsi que de la réflexologie et du yoga.

Mais finalement, je reste persuadée qu’étant donné les objectifs du massage que notre culture française met en avant, masser son bébé n’est pas tant une question de technique. Il suffit « simplement » de se laisser guider par son cœur. Pour vous y aider et vous permettre de partager ce moment privilégié avec votre bébé, je vous invite à télécharger gratuitement le PDF "7 conseils pratiques pour apaiser votre bébé en le massant".


Ecrit pour Expats Parents par Aurore Rivière, orthophoniste et psychomotricienne, diplômée en ethnologie et en ethnopsychiatrie, ayant été expatriée notamment en Afrique et en Amérique Latine.
Son site : https://donnezluidesailes.fr


Bibliographie

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