Multi-expatriée depuis 25 ans, j’ai autant expérimenté l’expatriation sans enfant que l’expatriation en famille, ce qui m’a permis de réaliser à quel point les défis entre ces deux situations sont très différents.
Avant de devenir parent, je travaillais comme humanitaire dans les pays en guerre, dans des contextes complexes et dangereux. Depuis la naissance de mes enfants, j’ai vécu dans des pays sûrs et considérés comme faciles. Pourtant, personnellement, ce sont mes expatriations en famille qui m’ont semblées les plus difficiles ! Pourquoi ? Parce que les implications de ce choix de vie avaient dorénavant un impact direct sur mes deux garçons et qu’en tant que parent expatrié, j’ai commencé à m’inquiéter avant tout pour le bien-être de mes enfants.
Aujourd’hui, mes enfants ont 9 et 11 ans et nous venons d’emménager en Jordanie, leur troisième expatriation. Au fil de ces expatriations en famille, ils ont grandi et les enjeux liés aux changements sont devenus à chaque fois un peu plus complexes. Pourtant, contre toute attente, chaque transition m’a semblé un peu plus… gérable ! Pourquoi ? Parce qu’entre temps, j’ai eu la chance de me former en psychologie positive, résilience, coaching et pleine conscience, autant de domaines qui m’ont permis d’acquérir une bien meilleure compréhension de moi-même et de m’équiper d’outils qui m’aident à mieux gérer les différentes sources de stress liées à ces délicates phases de transition.
Dans cet article, je partage quelques-unes de mes astuces, celles que j’utilise quand ça devient compliqué. Je me suis amusée à les résumer sous forme de petites phrases que je me répète dès que j’en ai besoin.
Le parent expatrié n’impose rien de grave à ses enfants…
En tant que parent expatrié, je mesure tout ce que l’expatriation apporte de positif à mes enfants ; toutefois, j’ai aussi souvent été envahie par ce sentiment de culpabilité d’imposer à mes enfants ce choix de l’expatriation et les nombreux défis qui en découlent. Tous les trois ans, ils doivent quitter leurs copains, leur école, un environnement connu, une routine qu’ils affectionnent tant. Sans oublier que l’expatriation les éloigne de leurs racines et de personnes aussi importantes que leurs grands-parents, cousins, tantes et oncles. Ils doivent aussi apprendre à grandir avec ce statut particulier d’enfant de troisième culture, qui est tout à la fois une richesse et une différence qu’ils doivent encore apprivoiser.
Quand je commence à entrer dans cette spirale de culpabilité et de remises en question, mon astuce est de me dire qu’au fond rien ne me prouve qu’ils seraient plus heureux en Suisse. Même si leur vie dans notre petit village de campagne ressemblerait à un long fleuve tranquille, ne rencontreraient-ils pas d’autres défis ? Même s’ils leurs amitiés et routine restaient stables, qu’est-ce qui me prouve qu’ils seraient forcément plus heureux ? En psychologie positive on sait que ce ne sont pas les grands événements de la vie, qu‘ils soient bons ou mauvais, qui ont un impact durable sur notre niveau de bonheur ; mais qu’au contraire, ce sont les petites habitudes quotidiennes et notre manière d’appréhender ce qui nous arrive, qui nous permettent d’augmenter notre niveau de bien-être. Cela s’applique aussi à nos enfants. En conséquence, qu’ils soient ici ou là-bas, la clé est de les aider à instaurer des habitudes quotidiennes saines : un cadre rassurant, des opportunités pour s’engager dans des activités qui les passionnent, leur offrir des espaces de socialisation que ce soit au sein de l’école ou en dehors, les aider aussi à donner un sens à leurs expériences, à se fixer des objectifs, à clarifier un but vers lequel avancer.
Par ailleurs, une vie sans difficulté n’existe pour personne. Ce qui importe avant tout c’est d’apprendre à bien rebondir en les appréhendant de manière constructive. Et ça se développe par l’expérience. En tant que parent expatrié, je me répète souvent que si mes enfants ne rencontraient aucun problème, ils ne seraient tout simplement pas prêts pour leur vie d’adulte. Même si c’est parfois dur à entendre, ce n’est que dans l’adversité, qu’ils peuvent renforcer leur résilience. Bien sûr que je souhaite, comme tout parent, minimiser les moments de tristesse, de frustration et de peine ; mais pour autant mon rôle est avant tout de les accompagner pour les aider à dépasser ces difficultés…et en cela l’expatriation est source de nombreuses opportunités pour renforcer leur résilience. C’est ce que je l’explique dans cet article «7 pistes pour aider nos enfants expatriés à développer leur résilience», écrit pour Expats Parents.
Ce sont tous ces éléments qui m’aident à ne plus voir cette expérience de multi-expatriation comme quelque chose que j’impose à mes enfants, mais comme un choix de vie, avec ses bons et moins bons côtés.
Le parent expatrié fait les meilleurs choix possibles…
En tant que parent expatrié, je me retrouve à prendre bien plus de décisions que si j’étais restée tranquillement chez moi. C’est par exemple concrètement le cas pour l’éducation de mes enfants. En Suisse, ils auraient intégré l’école du village et aucun questionnement sur leur cursus scolaire n’aurait eu lieu avant la fin de leur scolarité obligatoire. Alors que là, avec chaque nouvelle expatriation, il est nécessaire de choisir à nouveau quel serait le meilleur système scolaire, quelles langues privilégier, quelles activités extra-scolaires favoriser...sachant que tout dépend surtout, et avant tout, des opportunités sur place. Mes enfants ont déjà dû intégrer trois systèmes scolaires différents. Par exemple cette année, ils sont passés d’un système IB américain au système français…deux manières d’enseigner qui n’ont pas grand-chose en commun… et qui en plus, diffèrent tous les deux de celui de leur pays d’origine.
Dans les moments de doutes, ce que je m’applique à me répéter, c’est que, quelle que soit la décision que je prends pour mes enfants, elle a été pesée et réfléchie avec l’envie de faire au mieux. Il est impossible de prédire l’avenir et de savoir comment cela va se passer. En plus, chaque enfant risque de l’expérimenter différemment. Ce qui compte, au final, c’est d’avoir confiance en mes capacités de prendre les meilleures décisions possibles et de me remémorer que rien n’est gravé dans le marbre. Je peux toujours corriger le tir… sachant que dans chaque erreur, il y a de nombreux apprentissages.
Le parent expatrié sait qu’il va gérer quoiqu’il arrive…
Dans le passé, j’avais cette fâcheuse tendance à tout le temps anticiper ce qui pourrait mal se passer. Alors que même en anticipant une hypothétique difficulté, je ne peux pas agir maintenant sur ce problème…vu qu’il n’existe pas encore, et qu’il n’existera probablement jamais ! On sait que seule un infime partie de nos inquiétudes va réellement se réaliser.
Par ailleurs, je vois bien que quand je suis tendue, mes enfants sont tendus. Quand je m’inquiète, mes enfants s’inquiètent. Pour la petite anecdote, dernièrement j’ai verbalisé à haute voix que je me faisais du souci pour notre déménagement qui restait coincé à la douane depuis des semaines…ce à quoi mon cadet de 9 ans m’a rétorqué : « Maman, je n’aime pas quand tu t’inquiètes ! » C’est vrai que ce qu’ils viennent chercher chez nous, c’est l’assurance que ça va aller, même si tout n’est pas parfait. S’ils nous sentent optimistes et confiants, ils sont rassurés !
Pour calmer mes inquiétudes, mon astuce est de privilégier le présent, parce que c’est le seul moment sur lequel j’ai un réel pouvoir d’influence. M’ancrer dans le présent est un excellent moyen pour vivre au mieux les moments délicats. M’ancrer dans le présent signifie pour moi de prêter attention à ce qu’il se passe ici et maintenant, autour de moi et, aussi surtout, en moi : mes émotions, mes pensées, mes envies. C’est ce qui me permet de mieux répondre à mes besoins. En plus, en montrant à mes enfants comment être davantage attentif au moment présent, je les aide à affuter leur propre attention sur ce qu’il se passe en eux et pour eux…un outil précieux pour les aider à combler leurs propres besoins.
Et quand mes inquiétudes pour le futur refont surface, je me répète qu’au fond, quoiqu’il arrive… je vais gérer ! Et oui, quoiqu’il arrive je vais gérer comme j’ai toujours su gérer jusque-là… sans quoi je ne serais pas là ! C’est aussi une phrase que je répète souvent à mes enfants, parce qu’eux aussi, quoi qu’il arrive, ils vont gérer ! C’est une des grandes forces de l’être humain : savoir rebondir face aux difficultés, pour en ressortir bien souvent plus fort et mieux équipé pour la suite.
Le parent expatrié s’arme de patience…
En tant que parent expatrié, j’ai parfois l’impression que pour le bonheur de tous, il faudrait que tout soit parfaitement en place tout de suite. Pourtant, dans la vie, rien n’est statique, tout change tout te temps et d’autant plus dans une vie de multi-expatrié. Quand je traverse ces périodes de chamboulements, je m’applique à ne pas oublier, qu’un changement extérieur est rapide, mais la transition intérieure que ce changement implique, prend bien plus de temps. Déménager se fait en quelques jours, par contre trouver mes marques, créer un réseau social, installer nos affaires et m’adapter à l’environnement local se fait sur plusieurs mois. Cela signifie aussi qu’il faut prendre le temps de faire le deuil de ce qu’il y avait avant et de passer par une période de flou où rien n’est encore en clair et en place. La principale arme pendant ces phases, c’est la patience !
Je me répète alors qu’il faut laisser du temps au temps. La bonne nouvelle c’est que comme rien n’est statique, si c’est difficile en ce moment, ça va évoluer. Si mon enfant souffre pour l’instant de la perte de ses amis, ça va changer quand il aura réussi à se construire de nouvelles amitiés… parce que lui aussi a besoin de temps. S’armer de patience signifie aussi de croire en nos capacités de surmonter cette phase délicate…et surtout de croire en notre enfant, en ses propres capacités de dépasser les obstacles qu’il rencontre en ce moment. S’armer de patience c’est accepter que tout ne peut pas se faire en un jour, que tout ne peut être parfait tout de suite !
Le parent expatrié clarifie ses intentions et se fixe des priorités…
Dans l’action et face aux difficultés, c’est très facile d’oublier l’essentiel et de ne voir que ce qui ne fonctionne pas. Je sais bien que mon cerveau me joue des tours, parce qu’il a ce biais négatif hérité de nos ancêtres qui le pousse à donner plus de poids à ce qui ne fonctionne pas et à considérer comme acquis tout ce qui fonctionne déjà bien !
Pour éviter de m’éloigner de ce qui compte le plus à mes yeux, mon astuce est de régulièrement prendre le temps de clarifier mes intentions. C’est le moment où je vais me remémorer pourquoi, avec mon mari, nous avons choisi de nous expatrier, en quoi nous pensons que cette expérience est bénéfique pour les enfants, quels sont les avantages d’un tel choix, le pourquoi de ce projet de vie. Clarifier mes intentions, c’est redonner du sens à cette expérience, c’est un peu comme remettre l’église au milieu du village… m’assurer de ne pas oublier l’essentiel.
Et dans ce même ordre d’idée, j’ai aussi appris au cours de mes expatriations en famille, qu’avant tout changement, il est primordial que je prenne le temps de m’y préparer. Ça a tellement d’implications personnelles, professionnelles et familiales, que je dois m’assurer d’être au clair sur mes priorités. Un peu comme pour un coureur de marathon : je prépare à l’avance mon parcours, je clarifie ma fiche de route, ma stratégie, mon but. Cette préparation inclut par exemple d’identifier ce qui, pendant cette période de transition, compte le plus à mes yeux, de revisiter mes attentes et celles des autres, de faire des choix, de clarifier mes envies et besoins, de prendre du recul et de profiter aussi du présent. Mon article «Comment bien gérer les périodes de changements en expatriation» écrit pour Expats Parents, explique cette étape plus en détails.
Avoir des idées claires sur mes priorités m’aide à vivre cette période avec beaucoup plus de sérénité, parce que je sais précisément ce sur quoi je veux me concentrer et pourquoi… et surtout je sais exactement où je vais !
Le parent expatrié accepte d’être imparfait…
En tant que parent expatrié, je sais que tout revient, au fond, à ce que j’attends de moi. Si je souhaite que tout soit parfait, non seulement je m’épuise, mais surtout je ne peux être que déçue.
En tant que parent expatrié, mon plus grand défi est finalement celui d’apprendre à accepter mes imperfections et me répéter aussi souvent que nécessaire que je fais de mon mieux, avec ma bonne volonté, mon envie de faire juste, mes points forts… et aussi avec mes faiblesses et fragilités ! Plutôt que de culpabiliser et m’auto-flageller, j’ai appris à devenir mon alliée, ma propre meilleure amie. Face à tous ces défis, ce dont j’ai le plus besoin en tant que parent expatrié, c’est de bienveillance et de compassion. Et à ce titre, j’ai appris que plutôt que de compter sur celle des autres ou d’en offrir qu’aux autres, il est tout aussi impératif d’apprendre à m’offrir à moi-même une attitude bienveillante. Accepter que parfois, j’en ai marre, avec l’envie de tout jeter par la fenêtre… que oui, c’est épuisant…que oui, je ne réagis pas toujours de façon adéquate…que non, je ne suis clairement pas un expat parent parfait ! Et c’est normal, parce que c’est humain !
Pour apprendre à accepter mes imperfections, mon astuce est de me poser la question suivante : « Que dirais-tu à ta meilleure amie dans cette même situation…même si ton amie faisait une erreur ou réagissait de manière inadéquate ? » Et vous, que lui diriez-vous ? Votre réponse est probablement la même que la mienne : vous lui diriez que c’est humain de faire des erreurs, que ce n’est pas si grave. Et surtout, vous auriez de la compassion et des encouragements pour cette amie ! C’est ce dont a besoin le parent expatrié ! C’est ce dont nous avons tous besoin ! C’est ce que j’essaie de faire pour moi et que je vous conseille vivement de faire pour vous aussi ! Acceptons tout simplement d’être des parents expatriés imparfaits ! C’est ce dont on a le plus besoin pour faire face aux différents défis de l’expatriation et de la vie en général ! Sans compter que c’est donner un bel exemple à nos enfants expatriés : leur montrer qu’eux aussi, dans les moments difficiles, peuvent être leur propre meilleur ami !
Je ne dis bien sûr pas que cette dernière transition a été facile tous les jours et que je suis restée zen 24h/24. Nous avons vécu notre lot de contretemps et de difficultés, par contre j’ai réussi à mieux gérer certains moments compliqués, et pour ces moments où j’ai moins bien géré, j’ai su rester…ma propre meilleure amie en me répétant l’une de ces petites phrases ci-dessus !
Et vous alors ? Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des astuces qui vous aident à mieux gérer ces délicates phases de transition ?
Ecrit pour Expats Parents par Nancy Bonamy, Coach et blogueuse, Formations & Coaching
Son site : https://www.nancybonamy.com/
Si vous êtes à la recherche de pistes supplémentaires pour bien gérer ces phases de transition, vous pouvez télécharger son e-book gratuit : « Expatriation : 10 pistes pour réussir vos transitions de vie et de carrière »