Vivre sa grossesse à l'étranger

#grossesse , #expatriation

C’est tout en zigzaguant en scooter dans les rues d’Hanoï à 6 mois de grossesse pour emmener à l’école mon fils (que j’essaie maladroitement de caser entre mon ventre prédominant et le guidon) que j’ai compris que je vis mes grossesses selon le pays dans lequel je réside. Il est évident que je ne me serais jamais risquée de conduire une moto en Angleterre, où j’ai passé ma première grossesse, et encore moins avoir la bénédiction de mon médecin.
Enceinte, maman, « expat », mais également psychologue clinicienne, j’ai aussi eu la chance d’accompagner de futures mamans expatriées et d’observer les spécificités d’une grossesse à l’étranger.


En soi, la grossesse est un chamboulement d’émotions qui suscite de nombreuses questions et préoccupations. Vivre une grossesse à l’étranger c’est ajouter une autre dimension aux inquiétudes. Comment ne pas être angoissée pas tant d’inconnu : À qui s’adresser ? Comment se passe le suivi ? Y-a-t-il des équipements modernes ? La douleur est-elle bien gérée ? 

Il va donc falloir évaluer la performance du système de santé et les frais médicaux pour décider s’il est préférable de prolonger la grossesse dans le pays de résidence ou retourner en France.


Les différences culturelles vont impacter la manière d’appréhender la grossesse qui sera vécue différemment selon le pays d’adoption
Rapidement, il faut s’ajuster au fonctionnement du système de santé. Pour le connaître, il est utile de mobiliser son réseau (Consulat de France, réseaux sociaux). Heureusement, le bouche à oreille reste un système efficace 

Si le suivi médical peut rester familier, parfois les pratiques sont bien différentes. Ici au Vietnam, dès le premier mois de grossesse, on m’a prévenue que j’aurai systématiquement une césarienne programmée du fait d’avoir déjà eu une césarienne et plus étonnant, que je pourrai choisir la date et l’heure (un choix lié à l’astrologie qui selon les croyances pourrait m’apporter de la chance). Il en serait tout autre en France.

Cependant aucune proposition de préparation à l’accouchement n’est proposée ni même évoquée. Aussi, qui dit différence culturelle dit différence de langage : la barrière de la langue entraîne souvent une difficulté pour communiquer avec le personnel et il va falloir faire face à d’éventuels incompréhensions, à des difficultés à se faire comprendre.


Il n’est pas toujours évident d’adapter sa grossesse à l’environnement
et aux attitudes des locaux du pays dans lequel on vit. Si certains pays vous font sentir Reine, avec même le droit de porter un badge pour s’assoir dans le métro. Ici, où je vis, faire la queue à la caisse n’est qu’un concept, alors pour qu’on me laisse passer en priorité : je peux toujours attendre. 

Les inquiétudes ne sont pas les mêmes non plus, j’ai pu prendre 25 kilos lors de ma première grossesse sans faire osciller le sourcil de mon gynéco, là où j’entends que des amies peuvent se faire passer un sacré savon si elles dépassent un certain seuil en France. En Angleterre, contrairement à la France, je n’ai jamais eu la possibilité de choisir mon médecin. D’ailleurs je n’ai jamais eu le même médecin lors des consultations et je ne connaissais même pas l’obstétricien en charge de l’accouchement.  

Les suites de l’accouchement varient aussi selon les pays. En France, il semblerait qu’on reste quatre voire cinq jours hospitalisées alors qu’en Angleterre, je ne suis restée qu’une nuit dans une chambre partagée avec trois autres mamans. Au Vietnam ou en Thaïlande, nous avons la possibilité d’avoir une chambre privée qui ressemble quasiment à une chambre d’hôtel. 

L’allaitement n’a pas le même goût non plus partout. En Asie, on pousse les mamans à donner le biberon pour qu’elles soient plus rapidement actives et il faut insister pour que les infirmières ne donnent pas le biberon. J’ai pour ma part trouvé les pays anglo-saxons pro allaitement avec des « nurses breastfeedings » (infirmières chargées de l’allaitement) qui viennent vous voir très souvent pour vous donner conseils.



Malheureusement l’aventure qu’est la grossesse à l’étranger peut être la source de certaines difficultés psychologiques. Certaines femmes que je rencontre en cabinet témoignent de la difficulté à créer des liens sociaux dans un contexte d’expatriation. Si l’on ajoute l’inactivité professionnelle et la barrière de la langue, on se retrouve facilement dans un état de solitude. L’isolement de certaines femmes expatriées peut être renforcé car les femmes enceintes ont davantage besoin de sécurité affective.

Le conjoint bien souvent occupé par son travail et l’éloignement de la famille n’est pas toujours un soutien idéal. Il n’est pas rare en France de voir la famille venir aider après l’accouchement, ce qui ne sera pas le cas pour toutes en expatriation. On retrouve souvent des mamans épuisées et il est important de rester vigilant aux symptômes de la dépression post-partum dont la cause est souvent associée à un sentiment de solitude mais aussi d’anxiété. Les femmes ayant déjà souffert de dépression et celles vivant des difficultés de couple durant la grossesse sont davantage susceptibles de souffrir d’un état dépressif. 


De même, les études montrent que les femmes expatriées ont plus de risque de développer une dépression post-partum lorsqu’elles n’ont pas de soutien, un cadre rassurant ou d’attention suffisante Cela peut s’accentuer si la maman commence son expatriation au moment de sa grossesse et qu’elle doit gérer l’adaptation et l’intégration ou au contraire le manque de la famille peut se faire encore plus grand et important pour les femmes expatriées depuis plusieurs années. 

Il est important de s’entourer le plus possible d’amis pour compenser l’éloignement des proches et ainsi recevoir du soutien et de l’aide pendant la grossesse comme après la naissance de l’enfant. 


Si c’est le cas, des psychologues francophones expatriés exercent sur le territoire et d’autres consultent en ligne et peuvent aider à sortir d’un éventuel sentiment d’isolement ou d’abandon pouvant affecter le psychisme. 



Finalement, le suivi médical varie d’un pays à l’autre mais l’important n’est pas tant le pays dans lequel on va poursuivre sa maternité que de réussir à créer un environnement favorable, serein et sécurisant. Il se peut ainsi qu’une grossesse en expatriation devienne une très belle aventure et que la maman puisse bénéficier des avantages des autres pays (l’excellence du suivi, le confort des chambres d’hôpital, les congés paternité de plusieurs mois…) et bénéficier d’un très bon suivi apportant parfois plus de sérénité que dans le système français qui peut aussi se montrer bien restrictif et anxiogène. 


Ecrit pour Expats Parents par Dorothée Sibille, psychologue clinicienne