Vivre à l’étranger apporte son lot d’avantages, et pas toujours ceux auxquels nous pensons spontanément. L’avantage énoncé dans cet article portera sur notre vision plurielle de la maternité et de l’éducation de nos enfants. Ainsi, nous aborderons la notion de « théorie de l’attachement », bien peu développée en France mais considérée comme une référence outre-Atlantique, mais aussi dans beaucoup d’autres pays du monde.
C’est cette vie à l’étranger qui, pour beaucoup d’entre nous, a remis en cause notre éducation et notre façon de materner nos enfants, pour leur plus grand bien et surtout leurs forts besoins.
Quand on observe comment les parents s’occupent de leur bébé dans la majeure partie de monde, on est en droit de remettre en question ce qui est communément accepté voir encouragé en France.
Au sein de l’hexagone, ce sont Freud et Dolto (entre autres) qui ont fait foi et force de loi en matière de croyances et d’éducation parentale. En attribuant à l’enfant des « prédispositions perverses polymorphes » dixit-Freud, l’image de l’enfant en général a été salie, ses comportements mal-compris et sa prise en charge s’est dégradée. Beaucoup perçoivent dans les comportements pourtant naturels et communs de l’enfant des « caprices », des intentions malveillantes ou bien encore des tentatives de manipulation.
Quand en France ces croyances se sont développées, c’est un bien autre discours qui a fait surface en Amérique du nord avec notamment John Bowlby et « la théorie de l’attachement ». Une théorie qui, une fois qu’elle est prise en compte n’en est plus une, et devient juste une évidence : l’évidence de l’importance d’un attachement sain, fort et sécure.
Pour remettre dans son contexte les travaux de John Bowlby, voici un peu d’histoire :
A l’issue de la seconde guerre mondiale, les orphelins sont nombreux. L’OMS lui demande d’étudier les conséquences de la séparation des enfants d’avec leurs parents dans ce contexte-ci. Ses observations lui permettront de déduire que le bébé n’existe que dans la relation. Ainsi, les enfants séparés d’une figure maternante ont des problèmes de concentration, de régulation des émotions (avec même une absence de réactivité émotionnelle) et sont inaccessibles aux autres par le regard. En bref, leur développement est largement compromis. En poursuivant ses recherches, il en conclut que pour se développer le plus harmonieusement possible, l’enfant a besoin de la présence d’un même adulte, de façon régulière, présent dans la relation, qui interagit de manière fréquente, joue avec lui, le stimule et répond à ses appels. Il dégage cette théorie dans une perspective évolutionniste et démontre que le bébé développe ces comportements afin de ne pas être oublié et donc survivre. C’est pour cela que les bébés refusent qu’on s’éloigne d’eux, d’être isolés, qu’ils s’agrippent, vont téter sans avoir faim ou bien courent à la première occasion vers leur figure d’attachement. Ce sont des comportements essentiels et sains, afin d’être en sécurité, leur besoin premier.
Dans le terme de figure d’attachement, ou bien en anglais celui de « caregiver », on entend par là, la personne qui s’en est occupée très régulièrement depuis sa naissance et tout au long de son enfance. On pense à la maman car c’est le plus souvent le cas. Puis viendra la figure d’attachement secondaire, le papa la plupart du temps et tertiaire, comme la nounou, l’éducatrice de crèche ou encore les grands-parents.
La qualité de l’attachement influencera grandement les rapports de l’enfant tout au long de sa vie. On peut affirmer que le type d’attachement développé dans la prime enfance configurera nos rapports aux autres toute notre vie.
Il existe plusieurs types d’attachement : sécure, anxieux, évitant et traumatique. « La situation étrange » de Mary Ainsworth explique parfaitement comment reconnaitre celle de nos enfants. C’est le premier outil d’évaluation du type d’attachement chez les enfants qui aura été développé. On la retrouve de nombreuses fois illustrées sur Youtube.
Ainsi, dans ce contexte, il n’existe plus de « comportements inappropriés », « d’attitudes malveillantes et manipulatrices », « d’enfants capricieux » mais bien d’enfants en quête de satisfaction de besoins, qui peuvent être ceux de sécurité, de protection, d’amour, de compréhension, d’expérimentation et bien d’autres encore.
Non, un enfant qui pleure lorsqu’il est le moment de dormir ne fait pas de caprice.
Non, un enfant qui demande sans cesse les bras n’est pas « dépendant affectivement ».
Non, un enfant qui écrit sur un mur avec ses nouveaux crayons n’est pas malveillant.
Nous pouvons même affirmer que chaque comportement de nos enfants est porté par une intention positive !
En vivant à l’étranger, nous avons sans doute remarqué que l’approche et la prise en charge des enfants est différente. Le maternage proximal est davantage de mise dans de nombreux pays en voie de développement, l’éducation respectueuse la règle dans les pays nordiques.
Vivre à l’étranger nous met la puce à l’oreille sur les différentes perspectives qui s’offrent à nous en matière d’éducation. Aussi, nous vivons en vase plus clos, de manière plus proche avec nos enfants. C’est une chance. La question que nous pouvons nous poser est : comment pouvons-nous faire de nos familles proches de vraies figures d’attachement pour nos enfants ? Comment leur permettre de tisser des liens assez forts pour devenir, eux-aussi, les caregivers privilégiés de nos enfants ?
Il est indéniable que le temps passé à leurs côtés favorisera cet attachement. Plus les enfants passeront de temps privilégiés avec eux, plus ils s’attacheront. Et pour maximiser la qualité de leurs échanges, il est primordial de partager avec nos familles la théorie de l’attachement afin de planter des graines et tenter de changer un tant soit peu le point de vue communément accepté en France.
Enfin, dans certains pays, des aides extérieures sont plus aisées à obtenir. Il est nécessaire de rester vigilant et de ne pas cesser d’accompagner au maximum son enfant au quotidien. L’enfant s’attachera à l’être qui sera continuellement et la majeure partie du temps auprès de lui, qui répondra à ses besoins et à ses craintes régulièrement. C'est pourquoi il arrive que certains enfants vivent un déménagement comme un vrai deuil, leur nounou étant leur première figure d’attachement.
Ecrit par Claire Marlier, accompagnante en parentalité positive en faveur des familles expatriées, pour œuvrer vers une parentalité respectueuse.
Site : www.famille-eclairee.com