Vice-Versa, voyage au coeur des émotions

#expatriation , #psychologie , #enfant expatrié

Ca y est, nos jeunes expatriés ont fait leur rentrée et déjà, après quelques jours d’école, certains rentrent le soir pleins d’enthousiasme, heureux de leurs nombreuses découvertes et nouvelles amitiés, tandis que d’autres partent le matin la boule au ventre à l’idée d’une nouvelle journée de solitude loin de leur environnement familier et rassurant. Si le premier cas est réjouissant pour les parents, ils peuvent vite se sentir désemparés devant le second. Cette souffrance est en effet bien difficile à accompagner pour les parents qui se sentent impuissants et souvent responsables de cette situation imposée à leur enfant.

Dans ce contexte, visionner en famille le film d’animation « Vice-Versa» peut aider l’enfant à mieux comprendre et identifier les émotions qui l’animent tout en offrant aux parents un support d’échange pour aborder la situation.

Credit photo : Pixar

Ce film propose avec humour et intelligence de partir à la rencontre des émotions, matérialisées par de petits personnages attachants, et de leur fonctionnement. Cette thématique est déjà intéressante en soi, mais si l’on se penche sur l’histoire en toile de fond, celle du déracinement de la jeune Riley, on découvre un précieux éclairage sur les problématiques rencontrées par les jeunes expatriés.


Riley est une jeune fille de 11 ans, heureuse et joyeuse, bien dans sa peau, entourée d’une famille aimante et d’amis fidèles, très impliquée dans son club de hockey.

Tout va pour le mieux jusqu’à ce que ses parents décident de déménager du Minnesota à San Francisco. Riley semble enthousiaste et excitée de ce nouveau départ dont on lui a vanté les nombreux avantages.

Malheureusement, à son arrivée, elle va de désillusion en désillusion, la maison rêvée n’est pas à la hauteur, le déménagement prends du retard et ses parents préoccupés par les démarches professionnelles et les questions matérielles semblent moins se soucier d’elle. A l’école, elle est déboussolée, a du mal à entrer en contact avec ses camarades, principalement en raison de différences culturelles. Dans le Nord, l’univers de Riley tourne autours du hockey sur glace, peu pratiqué et peu valorisé dans cette nouvelle ville. Il lui faudra construire de nouveaux repères, trouver d’autres sujets d’échanges et affinités.

Du coté des émotions, on voit peu à peu la Tristesse prendre le dessus et tirer Riley vers la dépression tandis qu’elle perd ses repères et sa confiance en elle. La Joie qui s’emploie à mettre en avant le positif de chaque situation et essaie de l’égayer perd l’avantage. C’est finalement une véritable perte d’identité qu’affrontera Riley, symbolisée par l’effondrement des « îles de la personnalité », celle de la famille, celle des amis, celle de l’honnêteté, celle du hockey…, la poussant à la fugue avant de pouvoir se reconstruire à travers de nouveaux ancrages et investissements.


De nombreux sentiments ressentis par Riley ne manqueront pas de faire échos chez nos jeunes expatriés, les amenant à réfléchir sur leurs propres ressentis, émotions, difficultés face à la situation vécue. La matérialisation des émotions par de petits personnages rend leur identification encore plus palpable :

  • le sentiment de solitude et d’isolement à l’école
  • la tristesse de laisser derrière soi une partie de son enfance,
  • la souffrance et la colère, le sentiment d’abandon ressentis lorsque les amis restés dans leur environnement communs continuent leurs habitudes, se font des nouveaux amis,
  • la colère contre les parents et leur décision de changer d’environnement,
  • le sentiment d’être incompris qui peut entraîner des comportements inhabituels et déviants (fugue, vol...)
  • la perte de motivation pour les hobbys passés, par manque des amis qui les partageaient et la peur de ne pas être à la hauteur,
  • la différence culturelle comme frein à l’intégration, à l’entrée en contact avec les pairs
  • la nostalgie, le désir de retrouver sa vie d‘avant, le dessein de s‘enfuir, d’y retourner même seul…

Autant d’éléments qui aideront également les parents à pointer du doigt certaines difficultés rencontrées par leur enfant pour l’inciter à les identifier et à les exprimer.


Les émotions positives ne sont heureusement pas en reste, et la tristesse elle même est valorisée, présentée comme un élément essentiel au travail de deuil accompagnant chaque nouvelle grande étape de la vie. « Pleurer ça me fait du bien et ça m‘aide à affronter la vie et ses problèmes. »

Le découragement, l’abattement, la tristesse sont des sentiments à identifier, à accepter, à accueillir comme autant d’expériences émotionnelles, d’étapes permettant de dépasser la nostalgie, de retrouver l‘envie d‘avancer, la joie de vivre de nouvelles aventures.

Exprimer sa tristesse, si l’on est écouté, appelle la compréhension de l‘autre, l‘empathie l‘incite à partager à son tour ses émotions et sa propre tristesse, en découle le soulagement d’être compris, de se sentir unis par des émotions communes. Ce sentiment de complicité, dont le seul garant est la communication, est d’un grand soutien pour de nouveau aller de l‘avant.


En s’identifiant à Riley, à travers son cheminement, l’enfant pré-adolescent peut réaliser que chaque épreuve et expérience fait grandir, quitter peu à peu l‘enfance, mais également que l’on peut faire de nouvelles découvertes, s’ouvrir au monde, à la nouveauté, agrandir le champ des possibles, toutes en gardant en mémoire le souvenir des événements et expériences passées qui nous ont construit, ont façonné notre identité. Les émotions sont alors plus nuancées, parfois ambivalentes mais à la fois plus riches.


Tout cela est avant tout représenté avec beaucoup d’humour par l’aventure des émotions dans le cerveau de Riley, c’est un film d’animation très accessible et bienveillant, qui devrait susciter de riches discussions en famille et dont la fin optimiste et positive redonnera, nous l’espérons, joie et courage aux enfants qui en ont actuellement besoin.


Ecrtit par Marie-Laure Giroud Coustier,
Psychologue, et responsable "jeunesse" de Expats Parents