Etre le parent monolingue d'un enfant bilingue

#expatriation , #bilinguisme , #enfant

Ou mieux comprendre les notions de base du bilinguisme pour élever son enfant bilingue. 


Si je vous présente deux définitions du mot bilingue, comment vous sentez-vous après la lecture de chacune d’elle ?

Bilingue :

   1.     « qui parle, possède parfaitement deux langues » (Nouveau Petit Robert)

   2.     « qui use couramment de deux langues » (Larousse)

La première ne correspondrait-elle pas à un idéal éducatif que souhaite chaque parent d’enfant bilingue ?

La deuxième serait-elle plus en adéquation avec votre réalité de parent ?  

En effet, l’une tient en une phrase simple et percutante et semble avoir pris racine dans les esprits monolingues, à la recherche d’un idéal de perfection. Qu’est-ce que posséder parfaitement deux langues ? A quoi fait-on référence dans cette perfection linguistique ?

L’autre implique le fait de savoir utiliser deux langues sans difficulté et avec aisance.  

Allons plus loin. Les définitions du bilinguisme qui ont été révisées par les experts sont devenues plus complexes mais surtout plus nuancées parce qu’elles englobent à juste titre la diversité des bilinguismes. 

Dans son livre "Comprendre et Accompagner l’enfance bilingue", le Dr Franck Scola définit le bilingue comme un « sujet placé dans une configuration familiale ou sociale l’incitant à développer et à entretenir des compétences linguistiques plurielles, jusqu’à posséder des compétences minimales dans les langues qui lui sont données d’apprendre (Hamers et Blanc 1983 ; Bialystock, 1991 ; Grosjean, 1982) ».

Etre bilingue signifie posséder les compétences minimales dans ces langues.

Par compétences, il faut entendre : comprendre (l’oral et l’écrit) et produire (parler et écrire).  

Autrement dit, ce passage d’une définition radicale à plus nuancée pourra apporter aux parents monolingues un soulagement quant au bilinguisme de leur enfant, notamment parce qu’il fera écho à la réalité langagière quotidienne de leur enfant :  il comprend les deux langues et s’exprime dans celles-ci et pourtant, il fait des erreurs …. Avec aisance mais pas parfaitement, donc !

Il va de soi qu’il faut prendre en compte le stade du développement langagier de l’enfant : un enfant de 3 ans peut être bilingue sans savoir écrire !    

Sans rentrer dans le détail de la classification des différents bilinguismes existants, j’aimerais ici rappeler qu’un enfant qui comprend les deux langues et n’en parle qu’une seule est considéré comme étant bilingue, passif certes, mais bilingue. Son bilinguisme n'est pas effectif. Mais les retours de terrain montrent qu'en contexte monolingue les petits bilingues passifs peuvent être capables de parler cette langue qu'ils se refusent à utiliser avec l’un des parents dans le cadre du foyer notamment.  

Accepter qu'à un certain moment une langue domine sur l’autre sans pour autant remettre en cause le bilinguisme.

D’ailleurs, « l’expérience prouve que l’état de bilinguisme équilibré est fragile, difficilement atteint et instable, disparaissant dès que l’une des langues est dominante dans l’environnement » (Dr Franck Scola).

Chez les enfants de couple mixtes et pour ceux dont le français est devenu langue minoritaire, force est de constater que la langue de Molière s’appauvrit ou, du moins, a bien du mal à s’enrichir. Bien qu’étant l’une des langues familiales pratiquées au quotidien, elle aura tendance à être dominée par la présence de cette autre langue utilisée plus fréquemment dans les interactions sociales plus étendues (école, loisirs…)

Le bilinguisme est donc une question d’équilibre… fragile.

D’où l’importance pour les parents d’en avoir conscience et d’élargir les possibilités pour que l’enfant bilingue reste en contact avec la langue qui est minoritaire. 

Multiplier les situations d’exposition à la langue.

Parmi les conseils donnés pour maintenir le bilinguisme, il est courant de lire les suivants : faites regarder des DVD, écouter la radio, des histoires racontées, lire ….   

Il s’agit en effet de conseils judicieux car tout en étant passif, l’enfant travaille sa compréhension de la langue et l’expose à une richesse lexicale variée.

De plus, pour activer sa compétence de production et tenter de garder un bilinguisme équilibré et actif, je vous recommande de diversifier les occasions où il pourra être sollicité verbalement.

Dans les cas où la langue seconde de l’enfant prendra le dessus sur sa langue première ou l’une de ses langues familiales (par exemple pour les parents de même nationalité vivant à l’étranger et ayant scolarisé l’enfant dans un autre langue ou pour les couples mixtes où seul l’un des parents parle sa langue avec l’enfant), il est important :

-         Que l’enfant puisse utiliser la langue minoritaire en dehors du foyer et varier son expression en fonction des sollicitations. Les sujets de conversations au sein de la famille ne tournent-ils pas autour des mêmes thèmes ? Cela semble d’autant plus vrai que l’enfant est jeune.  

-         Qu’il puisse s’exprimer avec des interlocuteurs d’âge varié : d’autres adultes, d’autres enfants, d’autres générations. Chaque relation sociale est différente et crée son lot de sujets de conversation variés.  

Cela implique donc de pouvoir trouver, quand c’est possible, des clubs de loisirs, de sport, des activités ludiques, culturelles, et/ou maintenir le contact avec la famille et amis francophones par appels téléphone ou vidéo, par courriers (selon l’âge), et lors des visites dans le pays.

Tout environnement où l’enfant pourra s’exprimer et interagir à l’oral et à l’écrit (selon l’âge) dans la bienveillance et le plaisir sera le garant d’un bilinguisme effectif et équilibré. 

Lorsque l’institution- école offre un enseignement bilingue, elle permet d’exposer l’enfant de manière équilibrée aux deux langues, quantitativement et qualitativement. Bien entendu, toutes les compétences nécessaires au bilinguisme effectif y sont aussi sollicitées.  

Et lorsqu’il n’est pas possible de scolariser son enfant en système bilingue, il reste aux parents monolingues à exploiter leur esprit créatif pour diversifier les situations d’exposition à la langue !  


Ecrit pour Expats Parents par Cécile Guenebaut, spécialiste de l’enseignement du français auprès des enfants francophones scolarisés hors milieu francophone.
Son site : www.prendresonenvolenfrancais.com
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