Le paradoxe des parents expatriés

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Nous, parents expatriés, sommes tiraillés entre la nécessité de faire apprendre le français à nos enfants et le souci de leur bien-être. Et nous avons du mal à cerner l’équilibre qu’il faudrait pour que nos enfants apprennent de manière efficace et agréable. Comment faire pour trouver ce juste milieu ? Comment faire pour leur donner le plaisir d’apprendre sans les contraindre ?

 

Expatriés depuis bientôt trois ans, Anne et Jean-Paul sont inquiets pour leurs enfants de 8 et 12 ans qui vont dans des écoles américaines. En effet, l’anglais prend de plus en plus de place à la maison et le français s’appauvrit dans la bouche de leur progéniture. Anne et Jean-Paul se tournent alors vers des solutions qui permettent aux enfants de reprendre pied avec le français. Cours à distance, avec corrigé, tutoré. C’est parfait. Ils sont rassurés : leurs enfants auront le niveau qu’il faut si jamais ils rentrent en France.

Jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que c’est trop de travail pour leurs enfants qui doivent déjà faire face aux devoirs donnés dans leurs écoles respectives. Alors, Anne et Jean-Paul reprennent la méthode et l’allègent pour qu’elle puisse rentrer dans le planning de toute la famille et le cerveau de leurs chérubins. Oui, mais reprendre cette méthode, comment faire ? Ils ne sont pas enseignants ! Et par ailleurs, comment évaluer les progrès de leurs enfants sachant que les leçons n’ont pas été suivies au pied de la lettre ? Alors c’est reparti, on devient plus strict, on suit les cours et on rattrape vaille que vaille le retard accumulé. Oui mais… les enfants sont épuisés et ne retiennent rien de ces leçons imposées. Et puis les vacances arrivent, on ne va tout de même pas les faire travailler trop dur : juste quelques cahiers de vacances, c’est ludique, ça les amusera. Mais bon, il faut qu’ils les finissent d’ici la rentrée !

Vous reconnaissez-vous dans ce que vivent Anne, Jean-Paul et leurs enfants ?

 

1. Oublions le niveau à atteindre !

Nombre de parents focalisent sur le niveau à atteindre pour que l’enfant ne soit pas en situation d’échec s’il reprend sa scolarité en France. Si c’est votre cas, sachez qu’il est tout à fait possible de s’inspirer des programmes des cycles 2, 3 et 4* : ils peuvent être téléchargés sur le site du Ministère de l’Éducation Nationale. Vous constaterez à cette lecture que cela donne une vision générale de ce qui est attendu. Mais n’oubliez pas que chaque école, chaque professeur et chaque classe ont leur propre manière de fonctionner. Les exigences par exemple sont différentes : un professeur va vouloir que l’enfant écrive en cursif, pour un autre, cela n’aura pas d’importance. Souvent les parents souhaiteraient aussi que leurs enfants apprennent la « méthodologie » française pour apprendre. Là encore les stratégies sont diverses et reposent sur les livres de classe, différents d’une école à l’autre, et sur l’enseignant. Par ailleurs, le saviez-vous ? Les programmes ont changé en septembre 2016 ! (Lien : http://www.education.gouv.fr/cid95812/au-bo-special-du-26-novembre-2015-programmes-d-enseignement-de-l-ecole-elementaire-et-du-college.html&xtmc=cycle&xtnp=1&xtcr=7) Vous pouvez, donc, en effet, définir un niveau, mais ce ne pourra pas être la garantie que votre enfant va bien s’intégrer dans une école en France.

 

2. Réfléchissons sur les réels besoins

Il n’est pas rare de voir dans les familles expatriés un rejet du français par les enfants. Et pour cause ! Les enfants l’associent à une matière de plus à apprendre, ils trouvent que cette langue est peu utile dans leur vie de tous les jours (surtout à l’écrit !), et elle empiète en général dans le planning sur des activités qui les intéressent plus. Arrêtez-moi si je me trompe !

Le principal besoin n’est-il donc pas de créer un lien réel entre nos enfants et la langue française ? J’entends par « lien » une connexion forte, une envie d’apprendre, un plaisir ! Nous le savons, si plaisir, il y a, il sera plus facile pour eux d’assimiler de nombreux concepts de la langue. Et j’irai plus loin, il sera d’autant plus facile pour eux de s’adapter à un nouvel environnement en français. Ils ne couperont pas à une période d’adaptation lors de leur arrivée en France, mais celle-ci sera d’autant plus courte qu’ils se sentiront à l’aise en français.

L’autre besoin essentiel - et souvent oublié ! - c’est de prendre en compte notre propre rôle de parents. J’en connais certains qui « s’y collent » (je les cite !) quand ils me parlent des cours de français à la maison. On sent à travers cette expression tout l’enthousiasme qui se cache derrière ces cours ! Comment faire alors pour que l’enfant y trouve un véritable intérêt ? Ne vaut-il pas mieux prendre une méthode qui nous convienne à nous aussi, parents ?

 

3. Idéalement, le français à la maison, ce serait quoi pour vous ?

Anne et Jean-Paul répondent : « quelque chose de ludique », « sérieux mais pas prise de tête », « qui les motive », « qui leur permette de progresser et voir cette progression » « un peu tous les jours, sans forcer… ». Posons-nous, nous aussi, la question ! Les solutions viendront d’elles-mêmes : vous adorez lire en français ? Pourquoi ne pas lire régulièrement un livre à vos enfants ? (Il y a des livres jeunesse qui sont aussi intéressants pour les parents que pour les plus jeunes !). Vous souhaiteriez que vos enfants travaillent plus leur écrit : que diriez-vous d’un journal pour faire partager votre expérience d’expatriés à vos amis et famille restés en France ? Ils ont aimé un film en français : demandons leur de jouer les critiques ! Bref, comptez sur votre créativité et la leur pour mettre en place et essayer divers moyens de faire en sorte que le français ne soit plus une corvée mais - bien au contraire ! - un réel moment de bonheur partagé !

 

Anne et Jean-Paul ont été d’abord dubitatifs. Pas facile lorsque l’on a pris l’habitude des dictées, des exercices corrigés, de la méthode à suivre, de réfléchir autrement. Et puis leurs enfants se sont ouverts à eux : ils aimeraient créer une BD ! C’est un bon début pour apprendre, non ? La plus grande, elle, a entendu une chanson en français et aimerait bien en connaître les paroles… là aussi, un exercice qui change des dictées ! Jour après jour, semaine après semaine, Anne, Jean-Paul et leurs enfants se sont pris au jeu : le vocabulaire s’est enrichi, l’orthographe aussi, la conjugaison au présent n’a plus de mystère, bref, le français fait désormais partie de leur quotidien !

En pratiquant le français dans ce nouvel état d’esprit, vous allez vous rendre compte que ces échanges permettent aux enfants de trouver leur place, vous confortent dans votre rôle de parents et leur donnent ainsi toutes les chances de réussite pour maîtriser cette belle langue ! Oui, allier efficacité d’apprentissage et bien-être familial, c’est possible !


Catherine Allibert

Écrivain et accompagnatrice des enfants expatriés dans le monde de la langue française.
Son site : http://www.unehistoiredeninjasetdesamourais.com
« Apprendre le français avec la souplesse du ninja et la rigueur du samouraï ! »